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à l’avance la probabilité mathématique du succès, elle est de 1/2 dans le premier cas, de 1/4 dans le second, de 1/52 dans le troisième, si l’on se sert d’un jeu de 52 cartes. Une longue série de tirages et de nombreuses réponses données, non par des hystériques et des somnambules, mais par des amis de M. Richet, parfaitement éveillés, ou par M. Richet lui-même, ont donné une proportion de succès plus forte que celle qu’indiquait le calcul des probabilités, plus forte aussi que celle qu’ont offerte des tirages faits au hasard[1].

Des expériences analogues furent faites en Angleterre, par Mlle Wingfield, et le résultat fut plus remarquable encore. Il s’agissait de deviner un nombre de deux chiffres. On écrivait sur des morceaux de papier tous les nombres de 10 à 99, ces morceaux de papier étaient mis dans une coupe, ensuite Mlle M. Wingfield se plaçait derrière le sujet à environ deux mètres, prenait au hasard un morceau de papier et concentrait sa pensée sur le nombre qu’elle y lisait. Dans une série de 2,614 expériences ainsi faites, la réponse fut juste 275 fois, alors que le calcul indiquait comme probable le nombre de 29 succès. Dans une autre série de 400 expériences, le nombre probable des réponses justes étant 4, le nombre réel lut 27 ; 21 fois les chiffres étaient bien ceux qui composaient le nombre tiré, mais ils étaient disposés en sens inverse, et 162 fois un des chiffres était exact et à sa place. Il est tout à fait invraisemblable que le hasard donne de pareils résultats. On n’a guère le choix qu’entre l’illusion, la fraude ou la réalité de la transmission mentale.

Cette réalité est peut-être rendue plus vraisemblable par les expériences plus compliquées, mais non moins précises, faites par M. Ch. Richet, avec l’appareil des expériences spirites. Les personnes qui prenaient le rôle du médium, laissées seules à une table sur laquelle elles appuyaient les mains, ne devaient connaître ni la réponse à faire, ni les moyens de la faire. Elles indiquaient les lettres qui formaient cette réponse sans savoir ce qu’elles indiquaient, les lettres étant désignées par d’autres personnes qui promenaient un stylet sur un alphabet caché aux médiums et inscrivaient la lettre devant laquelle se trouvait leur stylet quand la table se soulevait. Bien entendu, ces personnes aussi ignoraient la réponse à faire à l’expérimentateur. Dans ces conditions très défavorables, on a obtenu des réponses qui paraissent démontrer que l’esprit du médium était influencé, sans l’emploi d’aucun moyen connu de communication, à la fois par l’esprit de l’expérimentateur

  1. La Suggestion mentale, par M. Ch. Richet (Revue philosophique, 1889, t. II).