Les grandes découvertes sont bien souvent l'œuvre d'une époque autant que d'un homme ; seulement, à côté des ouvriers obscurs de la science, dont le rôle a sa grandeur, il est des hommes qui, par la supériorité de leur esprit, prennent la tête du mouvement et le dirigent, et qui, voyant le but, y tendent avec une persévérance et une volonté inébranlables. Eugène Burnouf est de ce nombre. Quand on voudra résumer en quelques noms le travail prodigieux qui, depuis cent ans, nous a ouvert l'Orient, rendant à l'antiquité sa véritable physionomie, ce nom viendra se placer tout naturellement à côté de celui de Champollion et de deux ou trois autres peut-être.
Si l'on cherche d'où lui vient cette situation exceptionnelle, on reconnaîtra qu'il l'a due, moins encore à ses découvertes, dont une seule suffirait à illustrer un homme, qu'à l'esprit élevé qu'il a porté dans ses recherches et à la conscience admirable avec laquelle il les a poursuivies.
Grâce à une rare puissance de travail, il a pu approfondir l'essence de deux ou trois grandes religions que l'on soupçonnait à peine, ressusciter des langues perdues, en reconstituer
- ↑ Choix de lettres d'Eugène Burnouf (1825-1852), suivi d'une bibliographie avec portrait et fac-similé, 1 vol. in-8o Paris, 1891 ; Champion.