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va être remplacé à son tour par M. Cleveland. Ce n’est pas parmi les Américains qu’on peut chercher l’indifférence ou l’apathie dans les élections. Depuis six mois déjà, la lutte était ardemment, passionnément engagée entre les deux grands partis de l’Union, combattant pour leurs candidats. Républicains et démocrates n’ont assurément rien négligé, ni les tactiques, ni les séductions pour garder ou reconquérir la présidence. M. Harrison, le candidat républicain, avait pour lui la possession d’État, les clientèles qu’assurent le pouvoir, l’armée protectionniste ; il a paru même un instant être servi par un deuil cruel, qui vient de le frapper, la mort de Mme Harrison, qui a ému l’opinion et devant laquelle son concurrent a chevaleresquement suspendu pour un jour le combat. M. Grover Cleveland avait pour lui les souvenirs d’une première présidence exercée avec honneur, les nouveaux courans d’opinions contre les excès de protectionnisme, les ressentimens des abus d’une longue domination républicaine. Le scrutin, le choix des délégués des États chargés de l’élection définitive, viennent de prouver que le mouvement pour le candidat démocrate était plus profond et plus puissant encore qu’on ne le croyait. M. Cleveland a obtenu une immense majorité, non seulement dans les États du Sud, mais dans les États douteux comme l’Indiana, l’Illinois, le Michigan. Il a triomphé avec éclat à New-York, qui pouvait décider de l’élection. En un mot, il dépasse de beaucoup le nombre de voix qui lui était nécessaire pour assurer sa rentrée victorieuse à la Maison-Blanche.

Ce qui fait l’importance de ce dernier succès, c’est qu’il est comme la sanction et le couronnement d’une évolution qui se poursuit depuis quelques années, qui a déjà renouvelé la majorité du congrès et qui, aujourd’hui, pour la première fois depuis plus d’un quart de siècle, fait rentrer le parti démocrate en pleine possession du pouvoir, du gouvernement des États-Unis. Avec M. Cleveland, ce n’est point sans doute une liberté complète et chimérique des échanges qui triomphe ; c’est vraisemblablement une politique prudente, mesurée, de dégrèvemens commerciaux ; et cela suffit pour faire de cette élection un événement heureux dans les relations des États-Unis et de l’Europe.


CH. DE MAZADE.


LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Malgré les incidens qui ont accompagné la conclusion de la grève de Carmaux, et l’explosion de la dynamite qui a formé comme