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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre.

La fortune ironique qui se joue si souvent des destinées de la France ne semble pas près de se lasser. Certes depuis assez longtemps déjà, ceux qui se sont chargés de nos affaires, des affaires de la république, ont trop souvent abusé de leur toute-puissance et ont commis bien des fautes. Ils en ont commis assez pour perdre dix régimes. Heureusement pour eux, toutes les fois qu’ils ont été au bord du péril, quelque circonstance favorable est venue tout à coup les sauver des conséquences de leurs fautes et les remettre en équilibre. Ils ont eu un moment cette chance inespérée de voir les orages se dissiper, les hostilités se fatiguer et désarmer, les influences extérieures elles-mêmes venir à leur secours. On dirait cependant que tout est inutile, que rien ne peut les éclairer ; à peine ont-ils échappé aux dernières bourrasques, ils se retrouvent aussitôt dans les mêmes incertitudes, avec les mêmes imprévoyances ou les mêmes faiblesses, en face de crises nouvelles, de dangers renaissant sous une forme ou sous l’autre. — Et cela recommence toujours, parce qu’il y a toujours des passions de révolution qui se servent de tout pour agiter le pays, et un gouvernement qui ne sait ni profiter de tout ce qui aurait pu faire sa force, ni avoir une volonté, qui se borne à vivre au jour le jour, plus préoccupé d’éluder les difficultés que de les prévenir ou de les dominer. Il y a un an encore, le gouvernement, appuyé sur tout un ensemble de circonstances favorables, aurait pu assurément, s’il l’avait voulu, se créer la plus sérieuse autorité dans le pays, même dans le parlement ; aujourd’hui, il est revenu au point où il ne peut plus rien, où il ne rencontre à chaque pas sur son chemin que complications et embarras dont il ne sait plus comment se tirer.

Ce n’est pas tout de vouloir en finir coûte que coûte, avec une de ces mauvaises affaires qu’on n’a pas su prévoir et qui se reproduisent plus que jamais à tout propos ; encore faudrait-il que ce fût à peu près une fin. Il est malheureusement trop clair que cette