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ils se débattaient. Ils n’en continuèrent pas moins, avec le même acharnement, à frapper des espèces d’argent dont eux-mêmes ne voulaient pas. On lit dans le message du président Arthur, en date du 6 décembre 1881 : « Aux termes de la loi du 28 février 1878, le trésor a dû faire frapper pour au moins 2 millions de dollars d’argent. Il a déjà été frappé 102 millions de ces dollars, et il n’en est entré qu’environ 34 millions dans la circulation. Je propose, comme le secrétaire du trésor, et pour les mêmes raisons, que cette frappe obligatoire soit supprimée et qu’on ne fabrique plus de cette monnaie d’argent que dans la mesure des besoins constatés. » Le même président revenait à la charge dans son message de 1882 : « La circulation des dollars d’argent, au 1er novembre 1882, comparée avec le chiffre correspondant du 1er novembre 1881, fait apparaître une légère augmentation de 1 million 500,000 dollars ; mais entre ces deux dates, le monnayage de l’argent s’est accru de 26 millions de dollars. Sur les 128 millions de dollars déjà frappés, un peu plus de 35 millions sont livrés à la circulation. La quantité de numéraire en réserve atteint de telles proportions que bientôt les caves pouvant être utilement employées au magasinage vont manquer. Rien ne justifie la continuation d’un monnayage qui, par rapport aux besoins du public, atteint des proportions excessives. » L’indication donnée par le président Arthur n’était point une exagération, car son successeur, M. Cleveland, dans son message du 6 décembre 1880, recommanda au congrès une demande de crédit formulée par le directeur de la Monnaie pour la construction de nouvelles caves, indispensables au magasinage des dollars d’argent. M. Cleveland, bien que du parti opposé à celui de M. Arthur, s’élevait de toutes ses forces contre la continuation d’un monnayage inutile. Nous pourrions emprunter à tous les messages successifs et à tous les rapports des secrétaires du trésor des propositions semblables, motivées par l’accumulation croissante des espèces d’argent, repoussées par le public. Rien n’ébranlait l’obstination de la majorité du congrès, entretenue par une vague espérance que l’Europe se déciderait à tirer les États-Unis de peine. Le gouvernement était harassé d’invitations à ouvrir des négociations avec les États européens. « Il faut, disait, dans le sénat, M. Evarts, que nous sachions si l’Europe veut ou non faire quelque chose pour ramener l’ancien équilibre entre l’or et l’argent. Si les principaux États ne comptent prendre aucune mesure, nous devrons aviser à ce que nos intérêts nous conseillent ; mais d’abord, il faut savoir à quoi s’en tenir sur les intentions de l’Europe. »

Le congrès monétaire, tenu en 1889, à l’occasion de l’Exposition, ne devait pas réaliser ces espérances obstinées. Cette réunion,