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changement de système d’une aussi grande portée, ne se croit pas à même de concéder, pour ce qui la concerne, le libre monnayage de l’argent. » Ainsi, tout le monde faisait des vœux pour la réhabilitation de l’argent, tout le monde exprimait le désir que le monnayage en fut repris par son voisin ; mais tout le monde s’excusait d’en faire autant pour son propre compte. Il n’était pas jusqu’au délégué du gouvernement indien qui ne fit des réserves à cet égard. Il déclara que, s’il était possible d’obtenir l’accord des principaux États pour donner à l’argent un cours international, le gouvernement anglo-indien pourrait s’engager à maintenir le régime de la libre frappe de l’argent et à conserver à ce métal sa pleine force libératoire. Mais il ne pouvait se fier d’une manière aussi absolue qu’à la condition qu’un certain nombre des principaux États du monde s’engageraient de leur côté « à maintenir chez eux, pendant la même période, la libre frappe de l’argent avec pleine force libératoire, dans la proportion vis-à-vis de l’or de 1 à 15 1/2. Son engagement ne resterait en vigueur que pendant la durée de cet état de choses. » Ce même délégué, sir Louis Mallet, s’étonnait que l’abstention de l’Angleterre pût faire obstacle à l’établissement entre les autres États d’une union bimétallique. « Il ne faut pas perdre de vue, disait-il, que, gardant son système monométallique or en Angleterre, et son système monométallique argent dans l’Inde, le gouvernement britannique apporte un contingent important au régime bimétallique. » Cela était fort spécieux, mais pour que l’on pût croire à une compensation réelle, il aurait fallu établir que, par rapport à l’approvisionnement métallique universel, l’Inde, avec ses besoins nouveaux, n’absorberait pas plus d’or que l’Angleterre n’utiliserait d’argent. Cette situation de Janus monétaire, qu’on proposait pour le gouvernement britannique, prouve l’impuissance de la conférence à trouver une solution simple et pratique, en face des non possumus qui lui étaient opposés par les principaux États. Nous ne nous arrêterons pas aux questions d’ordre secondaire, examinées, mais non résolues par la conférence. À la huitième séance, on s’ajourna à un mois, dans l’espoir que de nouvelles instructions arriveraient à quelques délégués. Ces instructions ne vinrent pas, et après s’être convaincue de l’inutilité de ses délibérations, la conférence, le 9 juillet 1881, s’ajourna au 12 avril 1882. Elle ne s’est jamais réunie.


III

Voilà donc les Américains déçus, une seconde fois, dans leur espoir d’entraîner l’Europe dans les embarras contre lesquels