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empiètement sur les prérogatives du gouvernement fédéral ; mais il montre quel était l’état des esprits dans la région de l’Ouest. À l’ouverture de la session législative, des propositions de loi furent présentées dans les deux chambres : au sénat par M. Matthews, et à la chambre des représentans par M. Bland, à l’effet de rétablir l’argent à l’état de second étalon monétaire et d’en autoriser le monnayage illimité. Présentée dans la séance du 5 novembre 1877, la proposition de M. Bland fut votée dans la même séance, à l’énorme majorité de 163 voix contre 34, et immédiatement transmise au sénat, qui la mit en discussion. Le président Hayes annonça dans son message annuel qu’il frapperait la mesure de son veto si elle venait à être adoptée : il fut aussitôt en butte aux attaques les plus violentes ; d’un autre côté, les législatures de New-York et du Maine et presque toutes les chambres de commerce de l’Est adoptèrent des résolutions contre le Lill Bland et contre toute tentative pour ajourner la reprise des paiemens en espèces. Malgré ces démonstrations, le sénat vota, le 16 février 1878, le bill Bland par 48 voix contre 22, c’est-à-dire avec une majorité de plus des deux tiers. Il y avait, il est vrai, apporté des modifications assez importantes : le monnayage annuel de l’argent était limité à 2 millions de dollars par mois au minimum, et à 4 millions au maximum. Le droit de frapper de l’argent était réservé exclusivement à l’État, ainsi que tout profit à provenir de ce monnayage. Faculté était accordée aux détenteurs des nouvelles monnaies de les déposer dans les caisses du trésor par sommes d’au moins 10 dollars, et de retirer en échange des certificats d’au moins 10 dollars chacun, qui pourraient servir à payer les droits de douane, les impôts et toutes autres sommes dues à l’État. Cette clause avait manifestement pour objet de faciliter l’écoulement des futurs dollars, en permettant aux banques et aux particuliers qui en seraient encombrés, de leur substituer une nouvelle monnaie de papier. La rédaction définitive laissait subsister la clause pour laquelle les silvermen avaient surtout lutté, à savoir que les futurs dollars, « aussi bien que tous autres dollars des mêmes poids et titre, antérieurement frappés par les États-Unis, seraient monnaies légales à leur valeur nominale pour toutes dettes publiques ou privées, excepté lorsqu’il aurait été stipulé expressément le contraire. » Aussi, le président Hayes, bien que le chiffre de voix réunies par le bill dans les deux chambres rendît illusoire l’exercice du droit de veto, crut devoir à l’honneur de son gouvernement d’en user : le 28 février 1878, il adressa à la chambre des représentans un message dans lequel il déclarait que le congrès l’aurait trouvé prêt à concourir à l’adoption de toute mesure propre à développer le monnayage de l’argent