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convertissant en futaies les landes incultes. Parmi les causes de destruction qui nous assiègent ici-bas, plusieurs ont été conjurées, d’autres ont été affaiblies. La famine, qui jadis venait périodiquement décimer les peuples, n’existe plus qu’à l’état de souvenir partout où les moyens de transport se sont suffisamment développés. De la guerre on n’en peut pas dire autant, car tout nous la rappelle ou nous l’annonce, même en pleine paix ; cependant ses éruptions se font plus rares et plus courtes, partant moins meurtrières, malgré toutes les belles inventions dont s’enrichit l’art de tuer. Certaines maladies, qui longtemps ravagèrent le monde, comme la peste et la lèpre, ont capitulé ; et contre celles qui subsistent, nous sommes mieux armés qu’on ne l’était avant nous. Que la thérapeutique ait marché moins vite que la physiologie et la pathologie, les médecins eux-mêmes l’avouent. Mais qui pourrait méconnaître les bienfaits des vaccinations préventives et les merveilles de l’antisepsie ? Qui ne sait que, dans les maternités, dans les services de chirurgie bien tenus, les propagations infectieuses qui faisaient tant de victimes n’en font plus ? Voilà d’admirables succès. La sécurité publique est aussi mieux assurée qu’autrefois, sur terre comme sur mer, à la maison comme dans la rue. Et, cela étant, comment croire que la durée moyenne de la vie n’ait pas augmenté ?

Elle a augmenté, en effet, et dans des proportions considérables, soit que l’on compare les temps actuels aux temps anciens, soit que l’on compare seulement la fin de ce siècle à ses commencemens.

Pour l’antiquité, l’âge moyen de la mort n’est pas facile à préciser. On peut cependant s’en faire une idée en compulsant les inscriptions gravées sur les pierres tumulaires que la civilisation romaine nous a léguées en si grand nombre. M. Levasseur a surtout consulté les épitaphes chrétiennes du IVe siècle, collectionnées par M. de Rossi[1]. L’Afrique française a fourni à d’autres chercheurs d’autres élémens d’information : près de 20,000 inscriptions romaines, païennes ou chrétiennes, y ont déjà été recueillies. Le répertoire de M. Léon Renier date de 1855[2]. Les recherches du lieutenant Espérandieu[3] et du docteur Carton[4], en Tunisie, sont toutes récentes. Et plus récentes encore sont, à Lyon, celles de M. le docteur Mollière qui, avec le concours de M. Allmer, a mis à contribution, au profit de la science, toutes les ressources de

  1. Inscriptiones christianœ urbis Romœ septimo sœculo antiquiores.
  2. Inscriptions romaines de l’Algérie.
  3. Académie d’Hippone, bulletin n° 21.
  4. Comité des travaux historiques et scientifiques, Bulletin archéologique, année 1890, II.