Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 114.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inflammable, que notre alcool apparaît d’abord, et ce nom était également donné à l’essence de térébenthine. Tâchons de préciser, d’après les auteurs anciens et ceux du moyen âge, l’origine même de la découverte de l’alcool, en montrant les degrés successifs parcourus dans la connaissance de cette substance.

Que le vin pût fournir quelque chose d’inflammable, c’est ce que les anciens en effet avaient déjà observé. On lit dans Aristote (Météorologiques) : « Le vin ordinaire possède une certaine exhalaison ; c’est pourquoi il émet une flamme. » On lit de même dans Théophraste, le disciple immédiat d’Aristote : « Le vin versé sur le feu, comme pour des libations, jette un éclat, » c’est-à-dire produit une flamme brillante.

Pline renferme une phrase plus décisive encore ; il nous apprend que le vin de Falerne, produit par le champ Faustien, « est le seul vin qui puisse être allumé au contact d’une flamme : » solo vinorum flamma accenditur. Ce qui arrive en effet pour certains vins très riches en alcool.

Ce sont ces phénomènes vulgaires, ces observations accidentelles, faites dans le cours des sacrifices et des festins, qui ont servi de point de départ à la découverte. Mais il a fallu bien des intermédiaires. Tel est l’essai suivant, tour de physique amusante, imaginé sans doute par quelque prestidigitateur, et exposé dans un manuscrit latin de la bibliothèque royale de Munich.

« On peut faire brûler du vin dans un pot, comme il suit : mettez dans un pot du vin blanc ou rouge, le sommet du pot étant élevé et pourvu d’un couvercle percé au milieu. Quand le vin aura été échauffé, qu’il entrera en ébullition et que la vapeur sortira par le trou, approchez une lumière : aussitôt la vapeur prend feu et la flamme dure, tant que la vapeur sort. »

Cependant l’alcool ne fut pas isolé par les anciens.


II

Pour aller plus loin, il fallut une découverte nouvelle, d’une portée plus importante et plus générale, celle de la distillation, nécessaire pour séparer du vin son principe inflammable. Celle-ci traversa plusieurs étapes.

Son point de départ résulte aussi d’observations vulgaires. Lorsque l’eau est échauffée dans un vase, sa vapeur se condense sur les parois des objets environnans, et surtout sur le couvercle du vase ; c’est ce que chacun peut remarquer, dans l’économie domestique,