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dire ; que des histoires dont la dernière efface le souvenir de la précédente, la réputation en égalerait le nombre ! Mais, l’étrange illusion, de confondre le « roman psychologique » avec le « roman à thèse ; » et que cela prouve bien la nécessité de les définir ! Un autre ne l’opposait-il pas au « roman d’aventures ! » Adolphe peut-être aux Trois mousquetaires, et les Affinités électives aux Mystères de Paris ! ..

Quant aux raisons plus personnelles, que l’auteur de la Terre promise avait de s’expliquer sur le roman psychologique, on les connaît sans doute. C’est que la mode s’est répandue, depuis déjà quelques années, de railleries « psychologues. » Sans essayer d’ailleurs de les comprendre, — et pour ne rien dire aujourd’hui de quelques critiques, — c’est un plaisir que n’ont cru devoir se refuser ni M. Pierre Loti, ni M. Émile Zola. M. Bourget, dans sa Préface, en semble avoir surtout aux critiques, et je viens de montrer qu’il n’avait pas tort. Mais ce sont bien plus encore les romanciers ses confrères qui se sont égayés, plus ou moins spirituellement d’ailleurs, aux dépens de la psychologie. Quelques critiques ont bien pu trouver ce mot de « psychologie » pédantesque ; et j’avoue, quant à moi, que je ne vois pas pourquoi. D’autres ont pu prétendre qu’on en faisait trop de mystère, et, pour cette raison, ils ont pu réclamer en faveur de l’expression « d’observation morale, » plus classique sans doute, quoique d’ailleurs infiniment plus vague. Et d’autres enfin, qui se trompaient, ont pu surtout penser que, si le mot de « psychologie » n’était pas de lui-même assez clair, les romans de M. Paul Bourget n’en éclaircissaient pas assez le sens. Mais aucun d’eux n’a nié, je crois, qu’il y eût dans Andromaque ou dans Bérénice une observation plus fine que dans le Cid ou dans Horace, — dans la Marianne, de Marivaux, que dans le Gil Blas, de Le Sage, ou, pour en venir aux contemporains, dans Mensonges que dans l’Assommoir, dans Mariage blanc que dans le Maître de forges ; — et c’est là presque toute la question entre la critique et M. Bourget. Mais les romanciers, eux, moins désintéressés, ont vraiment fait une discussion d’école de ce qui n’était qu’une querelle de mots. M. Zola s’est parfaitement rendu compte que Crime d’amour ou Mensonges réintégraient dans la littérature contemporaine une forme d’art qu’il se flattait d’avoir anéantie. Peintre et poète autant que romancier, l’auteur de Mon frère Yves et de Pêcheur d’Islande a voulu protester contre une conception du roman qui n’a guère avec la sienne qu’un ou deux points de communs, tout au plus. C’est donc à eux que M. Paul Bourget, dans sa Préface, eût dû surtout répondre ; — et peut-être avec d’autres raisons que celles dont il s’est servi.

Il s’est en effet efforcé de montrer que le roman psychologique était « possible, » d’une part, et, de l’autre, « inoffensif » ou du moins innocent des méfaits qu’on lui impute. L’analyse n’est pas un dissolvant ou un poison de la volonté ; et l’étude attentive de la vie peut bien avoir