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rappelons-le, c’est la proportionnalité du vaisseau à la quantité du liquide qu’il doit écouler, de façon à assurer la permanence et la continuité de la circulation. En revanche, on n’a cherché nulle part à imiter, même de loin, les égouts parisiens. Anglais, Belges ou Berlinois ne peuvent pas, il est vrai, loger commodément leurs conduites d’eau dans de spacieux souterrains toujours facilement accessibles. Il leur faut accrocher en l’air, au faîte des édifices, le réseau passablement enchevêtré de leurs fils électriques, et ils doivent se résigner à enlever les boues de la rue par les procédés antiques de la brouette et du tombereau. Mais leur égout fonctionne conformément à sa destination, et contribue, au lieu de la compromettre, à la prospérité de la santé publique.

Prenons-en donc notre parti : comme on l’a dit fort justement[1], il y a contradiction fondamentale entre les deux fonctions qu’on veut à Paris faire remplir aux égouts. Ils ne peuvent être à la fois des voies de circulation et des lits d’écoulement. Le système est défectueux par la base. On n’arrivera pas à le corriger, quelque ingénieux palliatif qu’on y emploie, et le mieux, c’est d’en changer complètement. Ce n’est qu’ensuite qu’on pourra songer à ce tout à l’égout, indispensable cependant à l’assainissement de nos demeures.

Il n’y a d’ailleurs rien à détruire. Les galeries actuelles continueront leur rôle d’auxiliaires de la voie publique. Sans gêner notablement les services qui y sont déjà installés, la nouvelle canalisation, ramifiée à toutes les sources d’immondices, publiques ou privées, peut, sans entraîner de difficultés majeures, y être logée, elle aussi. La pose en est simple ; elle peut être exécutée très vite ; elle est peu coûteuse relativement : autant d’avantages. Le radier actuel continuera à recevoir les eaux de pluie, les lavages des ruisseaux, et, si on veut, les boues et les détritus de la chaussée, désormais préservés des contacts corrupteurs qui les transformaient en une vase fétide. On se retrouvera dans les collecteurs pour continuer ensemble le voyage.


III

Tout ne sera pas fini, quand par un réseau d’égouts, bien appropriés à leur destination, on aura éloigné de la maison et de la rue toutes les eaux usées. Qu’en fera-t-on ? Où iront-elles ? — Actuellement, une fraction du débit journalier du collecteur d’Asnières, cet intestin de Paris, suivant l’expression de Victor Hugo, est relevée par l’usine de Clichy, et envoyée à Gennevilliers : là,

  1. Vauthier, Commission de l’assainissement, 28 mars 1883.