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à vaincre la viscosité de l’impur liquide ; bientôt il s’arrête, stagnant et coagulé. Les fermons s’en emparent : des germes morbides s’y développent ; des odeurs écœurantes s’en dégagent.

Une ou deux fois par jour, le lavage intermittent de la chaussée jette, il est vrai, dans l’égout des flots d’eau qui servent à la nettoyer momentanément. Puis, dira-t-on, il pleut quelquefois ; les averses sont un bienfait. Mais c’est là une ressource précaire et incertaine, — intermittente, en tout cas, comme la précédente ; elle combat mal la stagnation des eaux ménagères dont l’épandage sur le radier de l’égout se produit continuellement, à toute minute, par émissions isolées, chacune de peu d’importance. D’ailleurs, l’orifice par lequel les eaux de la chaussée pénètrent dans l’égout, — la bouche sous trottoir, comme on l’appelle, — est forcément placée au milieu ou à l’extrémité inférieure de la rue et, par conséquent, de l’égout lui-même. Les eaux qui s’y précipitent n’atteignent donc ni la partie supérieure de l’égout primaire, ni les branchemens particuliers. Dans ces portions privées de tout lavage, la fermentation putride se développe tout à son aise. Le mal est plus grand aussi dans tous ceux de ces égouts qui, par suite de la configuration du sol, n’ont que peu ou pas de pente. C’est la condition, en particulier, de cette partie importante de l’agglomération parisienne qui se trouve comprise entre le boulevard Sébastopol à l’ouest, les anciens boulevards au nord, la rue de Turenne à l’est, la Seine au sud, où se presse, entassée, une population dont la densité, sur certains points, atteint et dépasse le chiffre de 1,000 habitans par hectare. On a, depuis quelques années, installé au sommet des égouts primaires, des réservoirs de chasse dont le fonctionnement apporte bien quelque remède à cette déplorable situation. Mais une ou deux chasses d’eau espacées de douze, plus souvent de vingt-quatre heures, — et on ne peut faire davantage, — ne constituent que des palliatifs insuffisans, tout comme le rabot et le balai du personnel, quelque nombreux qu’il soit, employé à ces curages.

En raison de leurs vastes dimensions, on ne peut entretenir dans les égouts primaires un courant d’eau continu, on n’en a pas les moyens. Il y faudrait employer peut-être la moitié, le tiers du débit de la Seine, divisée en un nombre infini de canaux. L’intermittence forcée du lavage s’ajoutant à l’excès de largeur a, nous l’avons dit, pour conséquence la stagnation des liquides et des débris impurs, stagnation propice aux fermentations nauséabondes et souvent dangereuses.

Cette violation d’une des lois essentielles et les mieux démontrées de l’hygiène est la règle fatale des branchemens particuliers et des égouts primaires, — et ils représentent plus de la moitié du