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COLLABORATION

Nés à la campagne, en des propriétés voisines, Paul et Marie, inséparables déjà dès les premiers pas, avaient partagé les mêmes jeux. Une parenté les unissait ; et si l’on ne pouvait affirmer, ainsi que certains le prétendaient, une ressemblance physique entre les deux enfans, du moins devait-on reconnaître, dans l’association de leurs idées et dans le mouvement de leurs pensées, une similitude de leurs esprits.

L’influence d’un milieu commun, en même temps qu’elle développait par l’accoutumance une amitié vite éclose, avait contribué à maintenir entre eux, chaque jour plus étroite, la communauté des goûts et des sentimens. Ils s’étaient vus entourés des mêmes affections familiales. Ils avaient caressé les mêmes bêtes. Ils s’étaient complu aux mêmes promenades, avaient ressenti, de la nature agreste et puissante qui les environnait, des émois pareils : tour à tour rieurs parmi les champs ensoleillés et poursuivant, comme des hommes les chimères de la vie, les papillons ; tour à tour pensifs devant les sites sauvages ou les horizons larges. Ils s’étaient, durant les soirées d’hier, serrés l’un contre l’autre aux mêmes récits, avaient frissonné aux mêmes souffles du vent, aux mêmes sonorités par les hautes pièces, aux mêmes ombres dansantes au fond des longs couloirs.

Si bien que, l’heure éclose des pubertés, le mariage fut une suite logique de leur existence, une chose simple, naturelle, et qui n’aurait pu ne pas être.