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il n’en fut pas de même en 1885, lorsqu’il s’agit de prolonger une troisième fois l’existence de l’Union latine. Ce n’était pas qu’aucune des cinq puissances en méconnût les avantages ; mais une question grave avait surgi par suite de la dépréciation constante et progressive de l’argent. On désespérait maintenant de voir la valeur du métal blanc se relever. On regrettait qu’au lieu d’en suspendre seulement le monnayage, on ne l’eût pas démonétisé. Des esprits absolus poussaient de toutes leurs forces à cette démonétisation ; et les gouvernemens étaient surtout retenus par l’énormité du sacrifice que cette opération entraînerait pour eux. Qu’adviendrait-il dans le cas où l’un des contractans, à l’expiration de la nouvelle période pour laquelle on était disposé à renouveler les contrats de 1865 et de 1878, voudrait reprendre sa liberté, userait du droit de dénonciation, et rendrait indispensable une liquidation de l’Union latine ? Comment s’opérerait cette liquidation, et à qui incomberait la prise en charge des écus de 5 francs, à ce moment en circulation sur le territoire des cinq confédérés ? Ces questions, qui empruntaient leur gravité à la dépréciation de l’argent, n’avaient été ni examinées, ni même prévues en 1865 et en 1878 : la première fois parce que le rapport entre l’or et l’argent n’avait pas varié, et la seconde fois parce que la baisse de l’argent était encore considérée comme un fait transitoire, imputable surtout à la brusque action de la Prusse. N’était-il pas prudent de les discuter et de les résoudre afin de n’être pris au dépourvu dans aucune éventualité, et afin de donner un élément de stabilité de plus aux accords qu’on allait renouveler ?

Telles étaient surtout les préoccupations du gouvernement helvétique : bien que l’Union latine eût été très avantageuse à la Suisse, certains esprits, partisans de la démonétisation de l’argent, faisaient remarquer que, si cette opération devenait nécessaire, elle serait moins onéreuse pour la Suisse que pour ses associés, à cause de la quantité très restreinte d’écus que la confédération avait fait fabriquer, et qu’elle entraînerait un sacrifice d’autant moins grand qu’elle serait accomplie plus tôt, avant la survenance d’une nouvelle baisse de métal blanc. On insistait surtout pour que la Suisse évitât de se lier pour une période d’années et conservât sa liberté pour le cas où ses intérêts lui commanderaient d’agir. Bien que favorable à la continuation de l’Union, le directoire fédéral crut devoir tenir compte de ces considérations, et afin de rendre indispensable un examen contradictoire approfondi de ces questions, avant que son pays se trouvât engagé de nouveau, même pour un an, il usa de son droit de dénonciation, et le 11 juin 1884, il dénonça la convention de 1878 qui n’expirait que