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ajouta plus tard : « Ce n’était certainement pas un rêve, j’étais assise dans mon lit pour appeler ma garde-malade, lorsque, à ma grande surprise et pour un instant à mon grand amusement, je poussai le cri : Edward ! Edward[1] ! »

Cette intervention de l’inconscient a été bien souvent indiquée par les auteurs qui se sont occupés de l’hypnotisme, de la suggestion et de tous les phénomènes de cet ordre. Les expériences de Cumberland et de ses émules où il s’agit de retrouver un objet caché ou d’accomplir un acte sur un ordre non exprimé, et qui sont fondées sur l’interprétation d’imperceptibles mouvemens involontaires que l’agent n’a pas conscience d’accomplir et que bien souvent le sujet paraît ne pas avoir conscience de percevoir, met admirablement en lumière le rôle de l’inconscient. On sait que M. Chevreul avait expliqué le phénomène des tables tournantes par de petits mouvemens inaperçus de celui qui les exécute. M. Richet a constaté les mêmes faits et paraît avoir établi que ces mouvemens pouvaient être déterminés par des impressions reçues par suggestion mentale et par des impressions télépathiques. On a pu dire que « la suggestion mentale est un dialogue entre l’inconscient de l’opérateur et l’inconscient du sujet. » En quoi consiste au juste ce fonctionnement inconscient de l’esprit, on ne peut le dire avec précision. On sait seulement qu’il est un fonctionnement des centres nerveux, et l’on a pu indiquer quelques-unes des conditions qui le distinguent de l’activité cérébrale que la conscience accompagne ; mais nos connaissances sur ce point n’ont encore ni l’étendue ni la précision qu’on voudrait.

Ainsi une impression inconsciente qui éveille dans l’esprit des images, parfois très vives, des idées, des émotions plus ou moins bien associées avec elle, plus ou moins reliées entre elles, et en rapport plus ou moins exact avec une réalité lointaine et cachée, voilà ce que nous pouvons saisir du mécanisme psychique des hallucinations télépathiques et de la suggestion mentale.

Mais dans la perception ordinaire, comment les choses se passent-elles ? Une corde de violon vibre à quelque distance de moi, ses vibrations se communiquent à l’air, l’air les porte jusqu’au tympan, et un appareil assez compliqué les amène en les transformant jusqu’aux fibres du nerf acoustique, qui à son tour transmet son impression au centre sensoriel, d’où l’excitation se répand jusqu’aux centres supérieurs. Ce n’est tout au plus que lorsque l’excitation arrive au centre sensoriel que se produit ce phénomène particulier, cette sensation que nous appelons un son, et cette sensation est

  1. Les Hallucinations télépathiques, p. 123-124.