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le commerce languit, l’agriculture est sans vigueur, toutes les ressources de la prospérité publique sont taries…


M. de Barruel, juge mage et lieutenant-général en la sénéchaussée, annonçait ensuite comment la France allait renaître sous la main de Necker :


… Régénérer le bonheur public, rétablir des finances épuisées, s’affranchir d’un esclavage subalterne, auquel nous étions presque asservis : ce sont là, messieurs, les objets intéressans qui, dans ce moment, occupent tous les Français… La sagesse du monarque lui a inspiré le rappel d’un ministre, désiré de ses peuples, et que nous pourrions à juste titre appeler le génie tutélaire de la France…


Puis venait la renonciation de la noblesse, apportée aux gens du tiers, dans la chapelle des Pénitens, par les deux députés de l’Ordre, MM. d’Antraigues et de Vogué :


Messieurs, je saisis avec empressement cette occasion pour adhérer de nouveau, au milieu de vous, aux vœux que vous avez formés de demander une administration plus constitutionnelle et vraiment représentative de tous les ordres, et je renonce à cet égard à tous les privilèges dont je jouissais à cause de mes baronnies.


Les déclarations se succédaient, toutes animées de la même cordialité, de la même confiance dans l’avenir… Ces ombres revécurent, et leur belle chimère avec elles, tant que brûla le chalel du curé de la Villedieu. Je pris congé. Sur la route, dans les champs où grésillaient les cigales, mon guide m’entretenait de la dureté des temps, de l’impôt trop lourd, de l’agriculture épuisée, de la crise du commerce, des monopoles reconstitués, d’actes administratifs qu’il qualifiait d’arbitraires,.. comme il y a cent ans, comme toujours.

Trois années après les effusions de Villeneuve-de-Berg, le comte de Saillans appelait au camp de Jalès les paysans catholiques et royalistes, armés pour défendre leur foi, leur roi. Les passions des camisards se rallumaient chez les patriotes, qui incendiaient les châteaux, dévastaient les églises. Le vieil antagonisme entre l’esprit de fidélité et l’esprit d’émancipation mettait derechef ces hommes aux prises ; sous des noms et des prétextes nouveaux, c’était la lutte séculaire qui continuait.

Si l’on veut comprendre comment le paysan vivarois s’est transformé depuis cent ans, il faut lire l’opuscule d’un habitant de Largentière, intitulé Mon canton. Cette monographie dénote chez celui qui