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complot était fixée, alors que les conjurés discutaient encore leur plan et leurs moyens d’action.

Deux mois plus tard, le procès d’Exelmans et le langage des royalistes le 21 janvier ayant avivé les colères, et l’émeute de Saint-Roch, dont quelques révolutionnaires regrettèrent de n’avoir point profité, ayant montré que le peuple était facile à soulever, les conspirateurs résolurent de brusquer les choses, quitte à se passer de Fouché. Celui-ci, averti, revint en hâte à Paris. Il tint plusieurs conférences, avec Thibaudeau, Davout, Merlin, Regnaud, Drouet d’Erlon, les frères Lallemand et autres. Bassano, Rovigo, La Vallette, Real, Oudot, Thuriot, Garât, Grégoire, Sieyès, Prieur de la Marne, Gauthier, les généraux Lefebvre-Desnouettes, Turreau, Chouart, Frégeville, Merlin (fils du régicide), César Delaville, Chastel, Berton, connaissaient aussi le complot ; mais si les uns y étaient positivement affiliés, les autres le désapprouvaient et refusèrent de s’y associer[1]. Fouché aurait voulu enrôler Carnot dont le Mémoire au roi avait raffermi la popularité. Mais l’ancien membre du comité de salut public avait trop de défiance contre les bonapartistes et de mépris pour le duc d’Otrante. Il se confina dans sa petite maison du Marais. Au dernier moment, Davout déclara qu’il renonçait à prendre part à la conspiration. On se résigna à agir sans lui. Il fut décidé que, sur un mot envoyé de Paris, toutes les troupes stationnées dans la 16e division militaire, que pourrait entraîner Drouet d’Erlon, se mettraient en marche. Elles rallieraient, chemin faisant, les garnisons intermédiaires, et pénétrant dans Paris par différentes barrières, elles déboucheraient à l’improviste devant les Tuileries, où les rejoindraient les officiers à

  1. Cf. Lavallette, Mémoires, II, 135, 138-142. Rovigo, Mémoires, VII, 337-339, 347. La Fayette, Mémoires, V, 354. Hyde de Neuville, Mémoires, II, 45, 48. Thibaudeau, X, 206-210, 235-236. Mémoires de Fouché, II, 303-304. Note de Foudras, 10 février. Rapports de police, 12-13-31 août, 23 septembre, 26 octobre, 23-30 novembre, 2-16 décembre 1814, 20-27 février, 4-6 mars 1815. (Archives nationales, F7, 3200 4 et F7, 3739.) Dossiers d’Exelmans, de Drouet d’Erlon et de Lefebvre-Desnouettes. (Archives de la guerre.) — D’après certains indices, nous pouvons avancer, sans prétendre cependant l’affirmer, que les généraux Lanusse, Flahaut, Corbineau-Girardin, Exelmans, Fressinet, Lacroix, Labriche, Sébastiani Defrance, et, parmi les civils, le duc de Cadore, Gaillard, Lecomte, Villetard, Lamarque, Ginou, de Fermon, Louis de Verdun, Lambrechts, etc., connaissaient également le complot. — Le général Quesnel, selon une tradition rapportée dans le Supplément de la Biographie Michaud, fut aussi affilié à la conspiration. Soupçonné par ses complices de vouloir révéler leur secret, il aurait été jeté dans la Seine au sortir d’une des réunions. En effet, le 4 mars, on trouva le corps de Quesnel flottant sur la Seine entre Boulogne et Saint-Cloud, et cette mort mystérieuse causa une grande sensation dans Paris. (Rapport de police, 4 mars, Archives nationales, F7,3739 ; Journal des Débats, 7 mars.) Mais ni au dossier de Quesnel, aux Archives de la guerre, ni dans les rapports de police des Archives nationales, il n’existe aucune pièce de nature à faire la lumière sur les causes de ce suicide ou de cet assassinat.