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Merlin, Rœderer, Lucien Bonaparte, Maury, Sieyès, Joseph Bonaparte, Grégoire, Garât et Lakanal[1]. Tandis que Montesquiou recommandait dans les conseils du roi et s’efforçait d’appliquer dans son administration « la politique d’assoupissement, » Louis XVIII, cédant aux prières et aux objurgations de sa famille, irritait sans cesse l’opinion par des futilités de ce genre. Qu’importait donc à la solidité du trône que Lakanal et Monge fussent de l’Institut et que Napoléon figurât dans l’Almanach royal comme membre de la section de mécanique ?


VII

Cependant, les mécontens menaçaient de passer des paroles aux actes. Dans les divers partis, les meneurs s’agitaient. Un sous-préfet démissionnaire, Fleury de Chaboulon, partait pour l’île d’Elbe afin d’exposer à celui qu’il appelait toujours l’empereur la situation troublée du pays. Rovigo disait à Jaucourt : « — Nous reverrons Bonaparte, et ce sera bien la faute des Bourbons. » Et Barras disait au comte de Blacas : « — Je vais m’occuper de réaliser quelques fonds qui me permettront de m’expatrier si le tyran de ma patrie réussit à la remettre sous le joug. » Plusieurs députés constitutionnels étaient revenus à Paris sous l’influence de l’exaltation de la province, déterminés à obtenir ou à conquérir des garanties sérieuses contre l’arbitraire des ministres et les revendications des émigrés. Le parti libéral se préparait à une lutte vigoureuse au cours de la prochaine session, et, s’il le fallait, à un nouveau 14 juillet. Plus impatiens et doutant un peu de l’énergie des constitutionnels, les bonapartistes et les jacobins voulaient au contraire profiter de l’absence des chambres pour un coup de force. Le complot ourdi depuis plus de six mois, et que l’on avait tour à tour ajourné, abandonné et enfin repris et modifié, se tramait à nouveau. Fouché en était le principal chef. Après avoir tenté, ainsi que plusieurs autres sénateurs évincés, d’entrer à la chambre des pairs, après avoir offert vingt fois ses services et son

  1. Journal des Débats, Gazette de France, Quotidienne, etc., 25 février, 8-9-10 mars. Cf. Jaucourt à Talleyrand, 4 mars (Archives des affaires étrangères, 080.) — L’ordonnance fut signée le 5 mars, mais les événemens qui survinrent engagèrent le gouvernement à en ajourner la publication dans le Moniteur. Elle y parut seulement un an plus tard, le 21 mars 1810, mais la liste se trouva augmentée de cinq personnes : le duc de Bassano, Arnault, Regnaud de Saint-Jean-d’Angely, Etienne et le grand peintre Louis David. Ce dernier, d’ailleurs, eût été certainement radié, dès 1814, par une ordonnance projetée sur la quatrième classe (Beaux-Arts) qui devait être distincte de l’Institut et reprendre son ancien nom d’Académie royale de peinture.