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libéraux se déclarèrent ouvertement pour Exelmans, puisque la liberté individuelle était menacée en lui. Mme de Staël écrivit au général un chaleureux billet. Lanjuinais fit prendre de ses nouvelles deux fois chaque jour, La Fayette lui offrit comme asile son château de Lagrange, Comte demanda à être son avocat si on le déférait au conseil de guerre. Visites, lettres, cartes, se multiplièrent chez le prisonnier pour l’encourager à la résistance. Toute une semaine, Paris se passionna pour cette lutte entre le droit et l’arbitraire. Mais Soult avait la raison du plus fort.

Dans la nuit du 19 au 20 décembre, un piquet de troupes vient occuper les abords de l’hôtel. Le matin, le lieutenant Dayglen, accompagné de six gendarmes, pénètre dans la chambre d’Exelmans. Celui-ci s’exalte et découvrant sa poitrine : — « Je sais que vous venez pour m’assassiner. Finissons-en ! je suis prêt. » Peu d’instans après, Grundler, commandant la place de Paris, étant entré à son tour, un autre accès reprend Exelmans. Il saisit un pistolet pour se brûler la cervelle, Grundler lui arrache l’arme des mains. Pendant ce temps, l’adjudant-commandant Laborde et une nuée d’agens de police fouillent les tiroirs, bouleversent les papiers, décachètent même une lettre adressée par Mme Exelmans à son frère. La comtesse Exelmans, à qui l’on persuade que la désobéissance de son mari l’expose à une condamnation capitale, s’évanouit cinq fois. Impuissant à vaincre la résistance du général, qui persiste dans son refus de suivre les gendarmes, Grundler se retire en ordonnant qu’Exelmans soit mis au secret. La consigne fut si rigoureusement observée, qu’aucun des domestiques ni des autres locataires de l’hôtel ne put en sortir et que l’on refusa même d’y laisser entrer le médecin de la comtesse Exelmans. La nuit suivante, Exelmans s’évada par les jardins, laissant sur la table une lettre pour le roi et une pétition adressée à la chambre. Cette pétition fut lue dans la séance du 24 décembre, ainsi qu’une autre pétition de Mme Exelmans dénonçant les mêmes faits. Après une violente discussion, qui retentit dans tout le pays, la chambre vota le renvoi au gouvernement de la pétition de la comtesse Exelmans et l’ordre du jour sur celle du général, « un conseil de guerre étant saisi de l’affaire. » En effet, Exelmans, traduit devant le conseil de guerre de la 16e division militaire sous la quintuple accusation de correspondance avec l’ennemi, d’espionnage, d’offense au roi, de désobéissance et de violation de serment, allait bientôt se constituer prisonnier à la citadelle de Lille.

Tandis que cette affaire agitait Paris, des scènes tumultueuses se passaient dans les départemens du nord-ouest. Le nouveau ministre de la guerre avait sinon peut-être suggéré, du moins adopté