Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/713

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que d’enthousiasme par une opinion qui ne savait pas trop ce qu’on voulait lui dire. Il n’a pu naître, c’est bien clair, que d’une fantaisie de parti, d’une sorte de fétichisme, de ce besoin particulier qu’éprouvent certains esprits de mettre le nom et l’effigie de la république partout, de biffer du passé tout ce qui n’est pas républicain.

Eh bien ! le voilà célébré, ce centenaire inutile et imprévu de la première proclamation de la république en France ! On a une fête nationale de plus, et puisque c’était voté, on a certainement mis quelque zèle à relever cette journée nouvelle, à rajeunir toutes les démonstrations et les manifestations qui sont le fonds invariable des fêtes publiques. Ce simple anniversaire de la proclamation de la république aurait peut-être paru un peu maigre : on a eu l’idée assez habile de rattacher à cet anniversaire les souvenirs de la bataille de Valmy préparée par Dumouriez, gagnée deux jours avant, le 20 septembre 1792, par l’intrépidité de Kellermann, le futur duc de Valmy, bataille de volontaires et de chefs improvisés, qui ne fut pas un grand événement de guerre, mais qui suffisait alors pour refouler et déconcerter l’invasion étrangère. Les décorateurs ont été mis en campagne pour étonner Paris par leur génie inventif et leurs combinaisons quelque peu bizarres. Le fait est qu’on ne s’est plus contenté de simples illuminations, des spectacles et des feux d’artifice de tradition ; on a imaginé des cortèges plus ou moins historiques, fort brillans peut-être, mais d’un goût assez baroque, où ont figuré toutes sortes de chars : char du XVIIIe siècle, char de la Marseillaise, char du Chant du Départ, char du Triomphe de la République, etc. Chars, costumes, chants patriotiques, enrôlemens figurés de volontaires, tout cela, il faut l’avouer, sent terriblement le décor et la représentation foraine. Tous les dignitaires de l’État, de leur côté, M. le président de la république, les ministres, les présidens des chambres, les chefs de la magistrature, tous ceux qui ont leur place dans le cérémonial se sont rendus au Panthéon pour officier, — et le défilé des discours a commencé ! M. le président du conseil a parlé avec l’honnête et banale prolixité d’un historiographe de circonstance. M. Challemel-Lacour, comme vice-président du sénat, a parlé avec son élégante et nerveuse éloquence, un peu gênée sous les voûtes du Panthéon. M. le président de la chambre Floquet, quant à lui, a parlé comme parle M. Floquet, avec l’emphase de son importance, toujours passablement guindée. Encore une fois, on s’est cru obligé de retracer l’histoire de la révolution française adaptée à la cérémonie. Les cortèges historiques étaient pour le populaire sur les boulevards, les discours étaient pour le monde officiel de la république au Panthéon.

Bref, décorateurs, orateurs, commentateurs de journaux se sont cotisés pour donner de l’éclat à cette journée du 22 septembre, pour illustrer la fête nationale. On y a mis de la bonne volonté, et la