Décidément c’est assez, c’est trop ; pour peu que cela continue, ce sera fastidieux. On abuse vraiment des meilleures choses, même du droit de se distraire, surtout de ce temps de trêve et de repos laissé au peuple français. On abuse par trop des anniversaires, des centenaires, des manifestations, des représentations, des cortèges, comme si la vie d’un pays n’était qu’une fête perpétuelle, comme si un peuple n’avait rien de mieux à faire qu’à pavoiser, à illuminer, à suivre des défilés et à chercher les occasions de perdre son temps. On prolonge par trop cette comédie de réjouissance universelle qui finit par ne plus amuser personne, si ce n’est les acteurs de la représentation, qui n’est qu’une manière de jeter un voile sur les réalités sérieuses, de détourner une nation de tout ce qui l’intéresse, de son travail, de ses affaires, des problèmes pratiques de sa fortune morale et matérielle.
Que parle-t-on de l’empire et de toutes les monarchies, et de leurs profusions décoratives et de leurs cérémonies et des manifestations organisées par les maîtres de ce régime ? Jamais on ne s’y est mieux entendu qu’aujourd’hui ; jamais l’art d’amuser et d’abuser le public par des anniversaires à fracas, des réceptions et des lampions, n’a été poussé plus loin à tout propos et hors de propos. Nos maîtres du moment ont leur calendrier où ils ajoutent de temps à autre quelque jour férié ! Ils n’en sont pas encore, comme les républicains d’autrefois, à décréter les fêtes de la « vertu, » de « l’opinion, » ou de la « révolution, » les « jeux républicains ; » ils y viendront peut-être, ils obligeront les autorités à parader pour leurs saints, le maire, l’instituteur, à mettre des drapeaux et des lanternes vénitiennes pour le plaisir des