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A plusieurs reprises, on a songé à fonder une nouvelle académie pour remplacer celle de Versailles. Mais ces projets n’ont pu jusqu’ici se réaliser, peut-être parce qu’ils n’étaient pas bien conçus. Il y a quelques années, on s’occupa assez activement de créer une sorte d’école modèle, à laquelle on donnait le nom d’académie, avec vaste manège à Paris, salons, chevaux de promenade, etc. C’eût été une entreprise commerciale qui, sans doute, au lieu de favoriser les établissemens déjà existans, leur eût fait concurrence ; et l’on ne trouva pas les capitaux qu’il fallait. Le comte de Montigny qui, plus que tout autre, avait assurément l’autorité nécessaire pour diriger une telle école, eût été mis à la tête de l’enseignement. Je n’ai pu m’empêcher de lui dire à lui-même que, malgré tout mon respect et mon admiration pour sa personnalité et pour son savoir, il ne me semblait pas qu’il pût être à lui seul une académie et que bien certainement les autres directeurs de manèges n’accepteraient pas de se soumettre aux idées d’un seul homme, cet homme fût-il le comte de Montigny.

À la vérité, si l’on a donné autrefois le nom d’académie à l’école de Versailles et aux autres écoles d’équitation, il n’y a jamais eu en France une académie telle que je la conçois, c’est-à-dire composée des hommes reconnus les plus capables de discuter ensemble et de formuler les principes à adopter. Les écuries du roi entraînaient des dépenses énormes et ne donnaient pas tous les résultats qu’on pouvait en attendre ; les charges s’obtenaient plutôt par la faveur que par le vrai mérite ; l’enseignement n’était pas le même partout, faute précisément d’une académie dirigeante. Si, après La Guérinière, on eût réuni l’élite des écuyers pour composer cette académie, il n’y eût pas eu dans l’enseignement les divergences dont tous les maîtres n’ont cessé de se plaindre. Nous avons vu que Saumur n’a pu jusqu’ici arrêter les progrès du mal, que la confusion règne de plus en plus et qu’on en est presque arrivé, dans notre pays de France, berceau de l’équitation moderne, à renoncer à tout enseignement méthodique.

Lorsqu’on parle à Saumur des maîtres étrangers à l’école, et de leurs doctrines, MM. les écuyers disent : Il n’y a pas d’autre doctrine que la nôtre : l’académie, c’est nous. Lorsqu’on leur demande : Quelle est votre méthode ? ils répondent alors : Nous ne sommes pas chargés de faire une méthode, nous sommes une école d’application de cavalerie ; et ils ajoutent : Toute équitation est dans le tact personnel.

Il est temps encore de relever un art qui chancelle ; mais il faut se hâter et créer au plus vite une véritable académie qui examine les différens systèmes proposés pour commencer et achever