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l’équitation. Baucher ne pratiquait que les allures raccourcies et cadencées, les airs de manège de plus en plus compliqués et extravagans, les assouplissemens de mâchoire et d’encolure ; il prétendait « décomposer, annuler les forces instinctives pour leur substituer les forces transmises » et ne semble pas avoir compris grand’chose à l’emploi pratique du cheval. Le comte d’Aure, excellent écuyer de manège, voyait simplement dans le travail classique le meilleur moyen d’assouplir les chevaux et de les fortifier pour les exercices du dehors aux allures rapides, les sauts d’obstacles et tout ce que comporte l’équitation de guerre et de chasse. Ainsi qu’il était arrivé pour Cordier et Ducroc de Chabannes, cette rivalité entre les deux maîtres ne fit que pousser chacun d’eux à soutenir avec plus d’acharnement ses théories, peut-être même à les exagérer. Il y eut donc alors quatre équitations en présence ; l’équitation classique, qui voulait rester fidèle à des traditions vieillies ; l’équitation militaire qui ne savait pas encore et qui n’a jamais bien su depuis quel enseignement elle voulait suivre ; puis, aux deux extrémités, l’équitation de cirque exagérant toutes les superfluités de l’ancienne école, et enfin l’équitation anglaise qui est la négation complète de tous principes rationnels, de toute méthode.

L’apparition de Baucher, qui produisit une vive sensation dans le monde équestre, excita de plus en plus les uns contre les autres les quatre camps ennemis. À ce point de vue, il faut donc la déplorer, à moins qu’elle serve un jour à montrer en haut lieu la nécessité de remettre un peu d’ordre dans l’enseignement en provoquant une entente entre tous les maîtres. L’œuvre de Baucher ne saurait constituer véritablement une méthode. Et cependant c’est de lui que se sont inspirés, que s’inspirent encore aujourd’hui beaucoup d’écuyers militaires et civils du plus grand mérite. Il en résulta que le terme équitation de manège devint presque synonyme d’équitation de cirque aux yeux de beaucoup de cavaliers qui préférèrent se jeter dans l’extrême opposé : l’équitation anglaise ; pour eux, l’équitation dite du dehors, calquée sur celle des courses et des chasses au renard, devint le nec plus ultra de la science. De vrais hommes de cheval, baron d’Aubigny, Cler, baron de Curnieu, baron Daru, Gaussen, Pellier, comte de Montigny, Lancosme-Brèves, firent tous leurs efforts pour maintenir les bons principes, mais ils ne purent que retarder le succès des pratiques qui devaient gagner chaque jour du terrain, même à Saumur.

M. Cordier, écuyer civil, resta écuyer en chef jusqu’en 1834 à l’école de cavalerie, où il y eut d’ailleurs des écuyers civils jusqu’en 1855.