Depuis Newcastle, les Anglais avaient abandonné toutes les principes des maîtres ; aimant beaucoup, à leur façon, l’exercice du cheval, ils ne voyaient plus, dans l’équitation, qu’un sport, c’est-à-dire, littéralement, un amusement, un jeu comme tous les autres, où l’on acquiert, par la pratique seule, toute l’habileté désirable ; ils instituèrent les courses qui ne tardèrent pas à prendre chez eux un grand développement, créèrent la race nouvelle des chevaux de pur sang qui devait être si utile pour améliorer toutes celles dites de demi-sang et se mirent à pratiquer un genre d’équitation que la mode mit d’autant plus promptement en faveur qu’il n’exigeait aucune étude assujettissante. Vers 1780, les premières courses eurent lieu en France, à Fontainebleau, à Vincennes et dans la plaine des Sablons, et les idées nouvelles firent de grands progrès chez nous parmi les jeunes gens du monde, qui, à l’imitation des Anglais, commencèrent à négliger le manège. Il faut bien dire, d’ailleurs, que le manque d’unité de l’enseignement, le désaccord qui régnait entre les maîtres, n’étaient pas faits pour inspirer grande confiance aux élèves.
Le Vaillant de Saint-Denis, l’un des écuyers du roi, publia en 1789 un Recueil d’opuscules sur l’équitation, dédié au prince de Lambesc, grand-écuyer de France ; il dit en commençant : « C’est avec regret que j’ai vu l’équitation presque avilie ; des usages étrangers ont prévalu et semblent annoncer que les talens des plus grands maîtres vont être à jamais perdus pour la nation. » Et plus loin : « Ce qu’il y a de plus malheureux pour l’équitation, dont les principes devraient être simples et invariables, quoique l’ignorance les modifie trop souvent à son gré, c’est que plusieurs personnes qui montent à cheval plutôt parce qu’ils ont des chevaux que parce qu’ils sont hommes de cheval, se croient obligés de suivre la mode ; on les voit bientôt après soutenir que si la mode n’est pas en elle-même la meilleure manière de monter à cheval, elle est du moins la plus agréable, puisqu’elle est la plus répandue. »
Il y avait cependant quelques bonnes choses à prendre dans l’équitation redevenue presque instinctive des Anglais ; le trot enlevé, bien que né du laisser-aller de cavaliers auxquels la méthode n’imposait plus aucune fixité de tenue, présentait notamment de réels avantages. Au lieu de l’examiner comme on avait fait pour les pratiques défectueuses des anciens et de le soumettre à des règles précises, les représentans de l’équitation classique eurent le tort de le rejeter de parti-pris, à cause de l’apparence grotesque qu’il donnait inévitablement à des cavaliers dénués de bons principes : ceux-ci n’en réussirent pas moins à le mettre de plus en plus à la mode, mais il va sans dire qu’ils ne surent pas l’améliorer