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servations anciennes, que les couleurs les plus fréquemment attribuées aux voyelles sont :


A noir, E jaune, I blanc, O rouge, U vert.


M. E. Claparède a bien voulu dresser pour moi un tableau des résultats de son enquête, résumant cent observations ; je vois qu’en prenant les couleurs qui ont été données le plus souvent aux voyelles, on peut dresser une autre liste :


A noir, E bleu, I rouge, O jaune, U vert.


La concordance des deux listes ne porte que sur l’A et sur l’U. Tout cela est vraiment bien peu significatif.

D’ailleurs, les personnes sont le plus souvent incapables de déterminer avec exactitude la couleur qui leur apparaît, et d’échantillonner cette couleur. Leur incapacité tient à ce que la nuance varie non-seulement avec les mots, mais avec la hauteur de la voix qui prononce ces mots, avec le timbre de cette voix et son accent. Dans deux bouches différentes, un mot n’a jamais la même couleur. Par conséquent, il n’y a pas un rouge défini pour l’a ou pour une autre voyelle. Quelques auteurs ont néanmoins publié des aquarelles où les sujets avaient cherché à représenter leur alphabet coloré. M. Galton a donné des figures de ce genre ; ces figures peuvent servir à expliquer et à confirmer une description ; comme indication des teintes, elles ne nous inspirent pas beaucoup de confiance. L’expérience nous a montré qu’il est utile d’être prudent. Nous avons soumis à une épreuve instructive un jeune avocat, qui présente une audition colorée très riche en nuances ; après lui avoir fait représenter en aquarelle ses couleurs, nous mettons l’aquarelle de côté, et nous lui demandons de désigner les mêmes couleurs dans le Répertoire chromatique de M. Lacouture, qui renferme 600 gammes typiques ; les désignations n’ont été concordantes que pour les couleurs, nullement pour les nuances. Nous avons noté les mêmes désaccords entre deux peintures d’alphabet coloré faites par une même personne à un an d’intervalle. Il ne faut point se servir de ce fait comme d’un prétexte pour accuser la bonne foi des sujets ; leur bonne foi est entière ; seulement, ils ne peuvent fixer avec précision une couleur qui oscille et se transforme sous l’influence d’une foule de causes insaisissables.

Un de mes correspondans s’est bien rendu compte du caractère fuyant de ces impressions. Je lui avais demandé une aquarelle