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sans toutefois encourager une méthode qui offre autant d’inconvéniens que d’avantages et peut vite dégénérer en abus. Chacune de ces « sections, » au nombre de cinq, comprend un nombre égal d’élèves des trois promotions groupés par « établis » et forme, en quelque sorte, un atelier complet, possédant en propre ses machines-outils et apte à exécuter n’importe quel travail. En général, chaque groupe concourt à l’exécution de l’ensemble d’une seule et même œuvre. Les « conscrits » manient la lime, le tour, et s’initient au fonctionnement des machines-outils ; passés en seconde division, ils s’occupent à des ouvrages de quincaillerie et approfondissent les détails de construction de ces mêmes machines ; parvenus en première division, ils doivent pouvoir se débrouiller complètement, quelle que soit la commande exigée. Ils opèrent en se guidant sur les dessins de l’ingénieur, comme leurs collègues des tours et modèles et utilisent, pour parvenir à leur but, les pièces que leur fournissent la forge et la fonderie, en « ajustant » ces pièces au degré voulu.

On concevra sans peine que c’est parmi les « ajusteurs, » qui sont à l’École de beaucoup plus les nombreux, que l’on rencontre la plus forte proportion de médiocrités en ce qui concerne le travail manuel ; plus du quart des jeunes gens, soit par manque d’expérience acquise avant leur entrée, soit par un absurde dédain du terre-à-terre, soit par maladresse ou paresse physique, se signalent par un défaut d’aptitude notoire. Comme, dans une réunion aussi nombreuse, il est difficile de tenir compte des bonnes volontés individuelles, et que d’ailleurs on ne saurait sans injustice disproportionner les notes à la plus ou moins bonne exécution du travail, il peut très bien arriver qu’un garçon assez actif et zélé, mais franchement maladroit, voie sa situation compromise par l’insuffisance de ses notes d’atelier. Le coefficient considérable de ces notes leur donne beaucoup d’importance. Inversement tel externe ou étranger serait « séché » au bout de peu de temps, s’il n’était sauvé par son talent d’ajusteur compensant sa faiblesse en mathématiques ou en français. N’oublions pas qu’en troisième division l’atelier réserve quelquefois aux premiers reçus des surprises assez désagréables : en effet, l’examen d’admission dépend presque uniquement des mathématiques et fort peu de l’épreuve manuelle, obligatoire cependant : il s’ensuit qu’on a vu des « majors » d’entrée trop exclusivement théoriciens déchoir jusqu’à perdre une cinquantaine de rangs. À Châlons, un autre genre de travail manuel est quelquefois imposé aux élèves comme accessoire du cours de chimie : on leur fait exécuter quelques manipulations et préparations ; mais, à Aix, cet exercice n’est pas en usage.