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Désormais, il leur était interdit d’aspirer à l’épaulette. Les élèves des écoles militaires et les gardes du corps, chevau-légers, mousquetaires noirs ou gris, — ces pseudo-officiers auxquels la garnison de Paris, qui les détestait, refusait de porter les armes, — allaient suffire à toutes les sous-lieutenances.

Les désertions en masse s’étaient arrêtées ; les mutineries et les séditions des premiers jours de la royauté s’apaisaient peu à peu. Quelques gouverneurs de divisions militaires, jaloux d’affirmer et leur zèle royaliste et leur influence sur leurs subordonnés, vantaient même l’excellent esprit des troupes. C’est qu’ils prenaient le retour à la discipline pour une conversion et la soumission pour de la sympathie. Les troupes s’étaient résignées à accepter les drapeaux blancs, décorés ou non de cravates brodées par la duchesse d’Angoulême. Mais ces étendards inconnus, qu’on leur remettait solennellement dans des cérémonies où tonnait le canon et où prêchaient les missionnaires, ne leur faisaient pas oublier les aigles. Plusieurs régimens éludèrent l’ordre de verser leur drapeau à l’artillerie. De vieux soldats en brûlèrent la soie et la hampe et burent les cendres dans du vin. L’aigle fut conservée à la caserne comme un palladium.

Le soldat porte la cocarde au schako, mais au fond du havre-sac il garde comme une relique la vieille cocarde tricolore. Il ne craint même pas de l’en sortir quand se présente une belle occasion. Le 27 juillet, à Riom, des soldats du 72e de ligne, qui font la haie sur le passage de la duchesse d’Angoulême, ont la cocarde proscrite. Le 5 octobre, à la revue passée à Landau par le duc de Berry, toute une compagnie du 38e porte aussi cette cocarde, ce qui attire à leur capitaine une punition de trente jours de prison. Les troupes sont au service de Louis XVIII, mais elles ont le culte de Napoléon et ne doutent pas de revoir « le tondu » avec son petit chapeau et sa redingote grise. Le refrain des étapes et des chambrées, c’est : « Il reviendra… » On annonce sans cesse dans les casernes que l’empereur a quitté l’île d’Elbe. Tantôt il est débarqué en France, tantôt il révolutionne l’Italie, tantôt il lève des troupes chez les Turcs. On dit encore qu’il arrive comme généralissime de l’armée autrichienne pour faire reconnaître les droits du roi de Rome.

Chaque jour, dans quelque garnison, on entend : Vive l’empereur ! « Il faudrait sévir, écrit, le 20 juin, le comte de Champagne, commissaire du roi dans la 6e division militaire, contre les soldats qui profèrent des cris séditieux et insultent aux emblèmes royaux ; les exemples se multiplient au lieu de disparaître. » En juillet, l’appel de onze heures du 1er chasseurs à cheval