fonderait ses inductions sur l’examen des sculptures et des vitraux de certaines églises gothiques, refaites au XIXe siècle, serait exposé à bien des erreurs. Parmi les objets transmis par les trésors des églises et les collections des musées depuis l’époque carlovingienne, il en est peu qui n’aient été complétés et restaurés à diverses reprises, par les conservateurs des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Il suffit d’avoir manié ces objets et d’être entré dans le détail de leur conservation pour s’assurer que leurs ornemens, leurs appendices, les perles et verres colorés qui les ornent, ont été de tout temps et sont encore de nos jours l’objet d’une réfection incessante.
Cependant et sous ces réserves, de tels objets demeurent les témoignages les plus authentiques de l’état des industries d’autrefois. Ils en témoignent surtout au moment où on les découvre au sein des tombeaux et dans des lieux qui n’ont pas été touchés ou violés par l’homme pendant le cours des siècles.
Les récits et les descriptions des historiens contemporains fournissent d’autres renseignemens, moins précis d’ailleurs ; car il vaut mieux avoir en main l’objet que sa description. Ils ont pourtant cet avantage de nous donner des indications indépendantes des progrès ultérieurs de l’industrie. Nous possédons un ordre de données plus sûres et plus exactes encore que les chroniques, dans les traités techniques et ouvrages relatifs aux arts et métiers, qui sont parvenus jusqu’à nous, toutes les fois que ces traités ont une date certaine, ne fût-ce que celle de leurs copies. Cette source de renseignemens est connue déjà pour l’antiquité. Elle ne fait pas défaut au moyen âge, bien qu’elle paraisse avoir échappé presque complètement jusqu’ici aux érudits qui ont écrit l’histoire de la science ; et elle permet de reconstituer celle-ci sous une forme et avec une précision nouvelles. Or c’est à l’aide de ces documens que je vais essayer de montrer, en m’attachant surtout aux industries chimiques, quelles connaissances soit pratiques, soit théoriques, ont subsisté après la chute de la civilisation antique, et comment les traditions d’atelier ont maintenu ces industries, presque sans inventions nouvelles d’ailleurs, mais, du moins, à un certain niveau de perfection.
L’histoire des sciences physiques dans l’antiquité ne nous est connue que très imparfaitement ; il n’existait pas alors de traités méthodiques, destinés à l’enseignement, tels que ceux qui paraissent chaque jour en France, en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis et dans les principaux États civilisés. Aussi, à l’exception des sciences médicales, étudiées de tout temps avec empressement,