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discours, d’inscrire une victoire de parti dans le marbre, de mettre sur un piédestal les grands hommes inconnus ou méconnus. Celles-là, fussent-elles même officielles, passent avec les illuminations allumées pour la circonstance et les fumées du banquet assaisonné de toasts qui seront oubliés demain. Élevez-lui une statue à votre grand homme et qu’on n’en parle plus ! Il y a aussi les fêtes qui ont un intérêt plus vrai et plus sérieux parce qu’elles répondent à quelque instinct public, à quelque sentiment plus profond ; il y a un de ces incidens de saison qui gardent un intime et invincible attrait, parce qu’ils remuent ce qu’il y a de plus vivace dans l’âme nationale, comme les manœuvres militaires qui se renouvellent périodiquement tous les automnes et sont désormais entrées dans les mœurs et sont devenues une institution ou une tradition. Les manœuvres, on ne sera pas sûrement tenté de les classer parmi les démonstrations banales ; elles sont, elles aussi, à leur manière, une fête, — pour l’armée la fête virile du travail bravement supporté, pour les populations l’occasion réconfortante d’accompagner de leurs sympathies les beaux régimens avec lesquels elles se sentent si profondément identifiées.

À travers les bruyantes bagarres de partis et les stériles excentricités de factions, on aime à suivre le travail silencieux et régulier de notre armée qui ne se révèle qu’au jour des grands rassemblemens, les progrès de notre puissance militaire renaissante, les essais et les expériences qui se succèdent dans l’organisation des forces françaises. Ce qui se passe aujourd’hui n’est que la reproduction ou la continuation de ce qui s’est passé il y a un an, de ces mémorables manœuvres de l’est, qui sont restées un événement, un événement politique autant que militaire. Celles qui se préparaient depuis quelques mois, et qui s’exécutent en ce moment même dans le centre de la France, n’ont pas eu d’abord de bonheur. Elles ont été sur le point d’être suspendues par un excès de précaution pour la santé de nos soldats ; on a craint un instant pour eux les dangereuses influences de la température et les contagions, on s’est fié à leur bonne volonté, à la vigilance de leurs chefs, et les manœuvres ont commencé : elles se déploient depuis quelques jours dans les hautes régions du Limousin, si pittoresquement accidentées, dans cette zone qui s’étend d’Orléans à Périgueux, d’Aurillac à Poitiers-Tours. Tous les régimens dispersés dans deux vastes corps d’armée, le 9e et le 12e, ont été mis en marche de toutes parts, avançant par étapes, manœuvrant brigade contre brigade, division contre division, pour finir par se rencontrer autour de Montmorillon, où la revue d’honneur doit être passée devant le chef de l’État et le ministre de la guerre. Ces manœuvres du Limousin n’ont peut-être pas, si l’on veut, toute l’ampleur et l’éclat des manœuvres de l’an dernier, auxquelles les circonstances donnaient une importance particulière. Elles ne mettent pas moins en mouvement des forces assez