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y pénètre lentement, comme fait l’eau de pluie dans un terrain moyennement perméable, qu’elle circule à travers des épaisseurs considérables de sable et de gravier. Chaque caillou, chaque grain de sable doit jouer le rôle d’un obstacle s’opposant à la descente verticale de chaque goutte, l’obligeant à changer de direction, à détourner sa route, tantôt à droite, tantôt à gauche, à cheminer longuement et lentement à travers tous les petits interstices de ce sol artificiel. On estime, d’après l’expérience acquise, que pour bien fonctionner, un filtre ne doit pas, en vingt-quatre heures, laisser passer plus de 2,500 litres par mètre carré de superficie. À cette condition, non-seulement l’eau se dépouille de tout ce qu’elle tenait en suspension, limon, corps organiques, larves et autres matières qui altèrent à la fois et sa limpidité et sa pureté ; mais encore, dans ce long circuit, chacune de ces molécules liquides reste en contact prolongé avec l’air : elle dissout de l’oxygène, et l’oxygène, ce principe de vie, est, par excellence, l’agent de destruction des germes pathogènes. Mais que de soins ! quelle vigilance de tous les instans ! Vraiment il y faut, avec de la science, apporter encore beaucoup de dévoûment et l’amour de l’œuvre entreprise. Heureusement, ce sont là vertus coutumières chez nos ingénieurs[1].

Si l’on s’apercevait un jour que c’est là qu’il faut en venir, tout ne serait pas dit encore. Il faudrait, avant tout, refaire l’éducation du public, détruire des préjugés qu’on a peut-être contribué soi-même à faire naître, à entretenir, à exaspérer. Il faudrait surtout se concilier l’opinion des hygiénistes, que leur vogue rend peut-être un peu intransigeans, il faudrait obtenir d’eux cette déclaration qui résume, je crois, ce que continuent à penser ceux qui, sans passions et sans préjugés, restent en communion scientifique avec la vérité. L’eau de source est la meilleure de toutes, mais il est souvent difficile de se la procurer en quantité suffisante. À son

  1. Je ne puis, on le comprendra, passer ici en revue tout ce qui a été essayé pour améliorer la qualité des eaux de rivière. Les procédés sont nombreux : aucun n’a donné jusqu’ici de résultats concluans, et, en particulier, ceux fondés sur des réactions chimiques. Cependant, il se fait en ce moment, à Boulogne-sur-Seine, et sur une grande échelle, à Libourne, des essais d’un procédé qui arrive à une épuration satisfaisante par réaction du fer. Est-ce applicable à de grands volumes d’eau ? Il convient de ne pas se prononcer encore. — Dans un autre ordre d’idées, il faut citer aussi un essai intéressant qui se poursuit à Nantes. Le filtre dont il s’agit consiste en une tour en maçonnerie construite dans le lit même de la Loire. Des matériaux filtrans, sable et gravier, sont accumulés tout autour en talus réguliers. Des barbacanes, ménagées dans la tour, y laissent pénétrer l’eau qui a traversé la masse filtrante. Oq obtient, paraît-il, des résultats satisfaisans. Nous souhaitons qu’ils s’affirment par une expérience plus prolongée, tout en craignant qu’un semblable filtre soit difficilement applicable en grand.