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l’assentiment de la Suisse et de l’Allemagne, nous paraît, par cela seul, devoir être écarté. Que n’est-ce un lac russe !

Dans l’autre projet, il s’agit de 24 mètres cubes par seconde à prendre dans le lac de Genève sur la rive de notre département de la Haute-Savoie. Un aqueduc de 539 kilomètres de long amènerait ce nouveau fleuve à Paris. L’altitude du lac étant de 371 mètres, on pourrait, avec une pente de 0m,50 par kilomètre qui, après tout, est suffisante, amener les eaux à Paris à une cote voisine de celle que doit atteindre la dérivation de l’Avre.

On évalue la dépense à 450 millions de francs, chiffre à l’égard duquel, il convient, croyons-nous, d’observer une prudente réserve. Mais 24 mètres cubes par seconde, c’est plus de 1,000 litres par habitant. Allons nous donc connaître l’embarras des richesses, et que faire de ce gros volume d’eau, qu’on aura fait entrer dans la ville et qu’il faudra bien en faire sortir ? On vante l’avantage d’en grossir le débit de la Seine, et du même coup, supprimant le tout à l’égout, on veut y substituer le tout à la Seine, — qu’on appelle le véhicule naturel des égouts, — en chargeant ce nouvel affluent d’y charrier tous les résidus de la grande ville. Il faudrait, sans doute, pour cela remanier les dimensions de nos 1,000 kilomètres d’égout, et c’est là une dépense qui n’est pas comprise dans le devis. Passons. Plus énorme que grandiose, cette conception, dont l’utilité ne se révèle pas, à notre avis, d’une façon suffisante, a besoin, sans doute, de nouvelles méditations. Paris peut être pourvu à moins de frais et plus aisément de l’eau qu’il convient d’ajouter à celle qu’il a déjà.

Au moment où les ingénieurs de la ville jetaient leur dévolu sur l’Avre et la Vigne, d’un côté, sur la Voulzie et le Durteint de l’autre, leurs collègues du service hydraulique signalaient la possibilité de recueillir jusqu’à 200,000 mètres cubes d’eau par jour dans les graviers de la plaine, longue de 19 kilomètres, où coule l’Yonne entre Coulon et la ville de Sens[1]. Ces eaux sortaient de la formation crayeuse où on avait déjà trouvé la Vanne dont le bassin confine aux coteaux en bordure sur le côté droit de la petite plaine dont nous venons de parler. Émergeant de la craie, au niveau du gravier d’alluvion qui remplit le fond de la vallée, ces eaux, aussi pures à ce moment que celles du bassin voisin, s’épandent dans cette couche perméable et viennent se déverser dans l’Yonne au niveau des basses eaux. Il semblait donc que la qualité des eaux avait pour garantie son origine. En a-t-on compté les microbes ?

  1. Le promoteur de l’idée du captage des eaux souterraines de la plaine de l’Yonne paraît avoir été Alfred Cahen, alors ingénieur en chef à Chartres, mort trop jeune, il y a peu de temps. La dignité de caractère de cet homme distingué est le plus sûr garant de la sincérité de ses appréciations.