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mittente, comme toutes celles qui l’avaient précédée, n’eut pas plus de succès. Il fallut la volonté forte de Napoléon pour décider l’affaire. Pressentait-il les nécessités futures de sa capitale agrandie ? Il eût voulu, disait-il, amener la Marne entière à la Villette, par le canal de l’Ourcq. Quoi qu’il en soit, c’est à son intervention personnelle, manifestée avec cette brusquerie autoritaire qui faisait taire toutes les objections, que l’on doit le commencement de ce travail, considérable pour l’époque. La restauration en vit l’achèvement.

La dérivation de l’Ourcq n’était pas seulement un canal de navigation. La ville avait le droit d’y prendre chaque jour jusqu’à 105, 000 mètres cubes d’eau. C’était une importante ressource pour la population. Mais elle ne pouvait en profiter qu’en partie. L’état de la canalisation urbaine était tel, en effet, qu’on ne pouvait pas y faire circuler en un jour plus de 60,000 mètres cubes.

Le forage du puits de Grenelle, qui, par sa nouveauté, fut une sorte d’événement, n’apporta qu’un faible appoint aux ressources, de plus en plus précaires, de la ville.

En fait, et tout compris, les disponibilités de la ville en 1854 variaient entre 80 et 60,000 mètres cubes d’eau par jour. Et quelle eau ! L’Ourcq pour les trois quarts ; la Seine pour le reste, sauf 1,500 à 1,800 mètres cubes donnés par l’aqueduc d’Arcueil, le puits de Grenelle et les mauvaises sources de Montmartre et de Belleville. Paris avait cependant, dès cette époque, 1,114,000 habitans. Mais les besoins n’étaient pas encore éveillés. Ni dans les quartiers bas, alimentés par l’Ourcq, ni dans les quartiers hauts qui recevaient l’eau de Seine et celle d’Arcueil, il n’y avait de distribution dans les appartemens. L’insuffisante pression dans les conduites ne l’eût pas permis, et le goût n’en était pas encore venu. Un robinet dans la cour était déjà un luxe. D’ailleurs, plus de 3,000 maisons qui avaient des puits ne demandaient rien à la distribution municipale. Les porteurs d’eau approvisionnaient de quelques seaux la plupart des ménages aisés. Pour les autres, les femmes ou les enfans allaient chaque matin aux bornes-fontaines disputer quelques litres à l’arrosage de la voie publique.

C’est à ce moment qu’une administration prévoyante, — il faut lui rendre cette justice, — encouragea les idées et les projets de Belgrand. Il n’avait pas été difficile à l’éminent ingénieur de démontrer que l’eau de l’Ourcq et l’eau de Seine puisée dans la traversée même de Paris n’étaient rien |moins que des eaux potables. Devançant les hygiénistes, il définissait ainsi l’eau qui devait à l’avenir être fournie à la population parisienne : « Elle doit, disait-il, être limpide, fraîche, et ne contenir en dissolution ni sulfate de chaux, ni sels de magnésie, ni même un volume de carbonate