politique une difficulté financière, a disparu. D’autre part, il est admis aujourd’hui que les députés de l’île sœur continueront à siéger dans le parlement impérial. Arrangement illogique qui crée, en faveur de ces députés, une situation privilégiée. Mais comment résister à l’unanimité de l’opinion ? Les Irlandais, comme on le pense, sourient à l’idée d’être, à la fois, maîtres chez eux et arbitres à Westminster. Les Anglais voient dans les députés irlandais une sorte d’otages. Leur présence sera, pense-t-on, une garantie, une protestation permanente contre l’idée de sécession. Ainsi soit-il !
Mais, ce serait une grave imprudence que d’envoyer tout seul le home rule bill affronter les dédains de la haute chambre. Il faut qu’il soit accompagné de mesures démocratiques dont le rejet provoque un soulèvement d’opinion et mette le comble à l’impopularité des législateurs héréditaires. Quelles seront ces mesures ? M. Gladstone n’a que l’embarras du choix. Chacune des fractions qui forment sa majorité et qui croient par leur appoint avoir décidé de la victoire, lui présente un programme différent. Les non-conformistes, en particulier ceux du pays de Galles, demandent le « désétablissement » de l’Église anglicane dans la principauté. Les ruraux, dont le suffrage a conquis dix ou douze circonscriptions au parti libéral, réclament pour leur récompense une nouvelle loi électorale qui empêche le même citoyen de voter en plusieurs lieux différens ; l’institution des conseils de district et de paroisse ; le développement de la loi Collings (allotment act), qui permet aux cultivateurs d’acquérir un lot de terre à bon compte ; pour arriver à ce résultat, ils veulent l’attribution aux county councils du droit d’expropriation forcée. La démocratie de Londres demande qu’on lui livre toutes les branches de l’administration municipale : police, voirie, éclairage, le fleuve et les égouts, les spectacles et les marchés. En outre, elle appuie les revendications du groupe socialiste, et réclame avec lui : une loi des huit heures pour les mineurs ; l’indemnité parlementaire et le paiement des frais d’élection par l’État, sans parler d’autres réformes à moins bref délai, telles que l’impôt progressif sur le revenu. Parmi tous ces desiderata, M. Gladstone choisira ceux qui lui sembleront les plus urgens, les plus pratiques, les mieux en harmonie avec l’état de transition où se trouvent les opinions de la classe moyenne. Ces desiderata, transformés en lois, escorteront le home-rule bill à la chambre des lords, le couvriront du prestige de la démocratie triomphante. Si les pairs refusent, alors à la grâce de Dieu ; la bataille finale sera engagée. Ce sera l’un des derniers épisodes de cette lutte entre l’aristocratie et la démocratie, de cette évolution, jusqu’ici lente et pacifique, dont nous avons, depuis quelques années, noté ici les phases.