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LES
ÉLECTIONS ANGLAISES
ET LE
QUATRIÈME MINISTÈRE GLADSTONE

Les élections anglaises ont été navrantes au point de vue du pittoresque. En Irlande, quelques têtes cassées ; en Angleterre, quelques chiens conservateurs dont la queue a été traîtreusement teinte aux couleurs radicales ; Stanley, l’explorateur du continent noir, hué par une foule londonienne ; une croûte de pain d’épice durcie lancée dans l’œil du vénérable M. Gladstone par une femme du peuple qui garde l’anonyme : quelle maigre moisson pour le reporter ! Voilà tout ce qui reste du long carnaval électoral d’autrefois où la jovialité brutale de la race, l’amour inné de la rixe, se donnaient libre carrière, où l’on riait jusqu’aux larmes en se battant jusqu’au sang !

J’ai vu, il y a vingt ans, les derniers hustings. L’électeur montait les degrés, bousculé en sens contraires, presque porté par la foule. Arrivé en haut, assourdi, effaré, il planait un moment au-dessus d’une mer de têtes hurlantes, jetait un nom, que saluaient aussitôt des cris enthousiastes ou des vociférations furieuses, puis disparaissait le plus vite possible, heureux de voir l’attention se porter sur un nouveau-venu. Ce même électeur pénètre à présent dans une salle où quelques messieurs, assis derrière une table, semblent sommeiller. Il s’isole dans une espèce de confessionnal où