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Une fois maître de sa méthode[1], M. Aitken a pu faire des numérations méthodiques et rechercher la quantité des poussières contenues dans l’air en différentes localités ou à différens momens. Cette étude est particulièrement instructive, et tout en nous montrant combien le nombre des poussières varie selon les localités, et les conditions, elle nous révèle des chiffres formidables que nous n’eussions certainement pas soupçonnés. Je les résume brièvement. En somme, le minimum observé par M. Aitken parait être 16 parcelles par centimètre cube ; ce chiffre a été relevé par lui une seule fois au sommet du Ben-Nevis, en Écosse, en juillet 1890, l’un des mois les plus pluvieux qu’il y ait eu depuis longtemps dans cette région. Mais ce chiffre est exceptionnel. Dans d’autres montagnes, au Righi par exemple, M. Aitken a compté de 500 à 2,000 parcelles et plus encore ; par exemple avant un orage, il a obtenu le chiffre de 4,000, et après, le nombre des poussières est tombé à 725. D’une façon générale pourtant, l’air de la Suisse, — des montagnes du moins, — doit passer pour pur. À Bellagio et Baveno, il l’est moins, car on a compté de 3,000 à 10,000 parcelles. Sur le littoral méditerranéen il l’est moins encore ; à Hyères, sur une colline, M. Aitken a trouvé 3,550 parcelles par centimètre cube quand le vent venait de la mer ; quand il venait de la ville, le chiffre était plus élevé : 25,000. À Cannes, mêmes différences ; mais l’air est plus pur avec le vent du large : 1,550 poussières. En revanche, quand il a passé sur la ville, il s’est singulièrement enrichi en parcelles diverses, elles sont au nombre de 150,000 par centimètre cube. À Menton, les écarts sont moindres : 1,200 et 7,200. À Paris, à la tour de 300 mètres, — par un vent du sud, — les chiffres ont énormément varié : de 226 à 104,000 ; et dans la rue de l’Université ils ont varié de 210 à 160,000. À Londres, les chiffres ont été similaires. À Edimbourg, ils sont plus forts : 260,000 par centimètre cube, et à Glascow près de 400,000. Mais où ces chiffres deviennent fantastiques, c’est quand ils se rapportent à des numérations faites à l’intérieur des maisons. Dans une chambre, on trouve aisément plus de 2 millions de parcelles de poussière par centimètre cube, et si, au lieu d’analyser l’air de la partie inférieure de celle-ci on s’adresse à la couche d’air voisine du plafond, on arrive à 5 ou 6 millions. Et enfin, si l’on analyse l’air qui s’élève au-dessus

  1. Pour plus de détails, voir le résumé que j’ai donné des recherches de M. Aitken, dans la Revue scientifique sous le titre : les Poussières de l’air (13 octobre 1888). Voir aussi les comptes-rendus de la Société royale d’Edimbourg, 1888-92, et Nature, 1er mars 1888, p. 428 ; 23 juillet 1891, p. 279 ; et un travail de M. Aitken (On the number of dust partie les in the Atmosphere) dans Nature du 27 février 1890 et du 28 janvier 1892.