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LES PHOSPHATES DANS L’AGRICULTURE

perditions ; le stock introduit dans la terre lui restera acquis et sera utilisé peu à peu par les récoltes successives.

Si le prix des phosphates était élevé, une pareille pratique ne serait pas à conseiller à l’agriculteur, qui aurait alors un capital important à immobiliser pendant une longue période d’années ; mais il n’en est pas ainsi. Le prix des phosphates est extrêmement minime ; avec un faible sacrifice on peut augmenter dans une forte proportion la valeur foncière des terrains. Prenons un exemple de la création d’un stock de phosphate dans le sol. En s’adressant à des phosphates naturels d’un titre moyen, dans lequel le prix de l’acide phosphorique est de 15 à 20 centimes le kilogramme, nous pouvons introduire dans le sol 1,000 kilogrammes d’acide phosphorique par hectare avec une dépense de 150 à 200 francs, non compris les frais de transport et d’épandage. Les récoltes moyennes de céréales enlevant au sol environ 20 kilogrammes d’acide phosphorique par an, on voit que la proportion ainsi introduite peut suffire à cinquante années de production moyenne, en laissant au bout de cette période le sol aussi riche en phosphate qu’il l’était au début. Cet apport aura augmenté la valeur foncière de 200 francs et la valeur locative de 10 francs par année ; nous pouvons sans crainte affirmer qu’il est bien peu de terrains qui ne puissent répondre largement à ce sacrifice.

La question des phosphates domine l’agriculture moderne. Les rendemens élevés que leur emploi permet d’obtenir modifieront les conditions économiques défavorables dans lesquelles se débat aujourd’hui l’agriculture de la France et celle de l’Europe entière, dans sa lutte contre la production des pays neufs, dont les sols ne sont pas épuisés par une longue suite de cultures et donnent, sans qu’il soit besoin de leur aider, d’abondantes récoltes. Mais cet état de choses changera ; pour la France en particulier, nous entrevoyons déjà le résultat des perfectionnemens apportés à l’agriculture et de l’application judicieuse des engrais chimiques et principalement des phosphates, dont nous possédons d’abondans gisemens.

Les rendemens moyens du blé augmentent d’année en année, c’est un fait bien constaté ; les récoltes suffiront bientôt à nos besoins et nous dispenseront de recourir aux blés étrangers. Nous pouvons même espérer que, d’importateur de grains qu’il est aujourd’hui, notre pays deviendra à son tour exportateur. Il ne reste que peu d’efforts à faire pour atteindre ce but.

A. Muntz.