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ment pourvue d’acide phosphorique, qui devient graduellement assimilable, et l’on n’a pas besoin de penser de longtemps à recourir à un nouvel apport de phosphate.

Dans ces sols riches en matières organiques, il faut donc toujours appliquer les phosphates naturels, qui sont à bon marché ; la matière humique du sol se charge elle-même de leur transformation en produits utilisables. Si l’on voulait y introduire la même quantité d’acide phosphorique, sous la forme de superphosphates ou de phosphates précipités, on aurait à faire une dépense trois ou quatre fois plus grande et qui ne serait pas compensée par des résultats supérieurs.

Dans la généralité des autres terres, c’est-à-dire dans les terres de culture ordinaire, l’application directe des phosphates naturels au sol n’a qu’une influence minime sur l’augmentation des récoltes. Les céréales, les pommes de terre, les betteraves, la vigne, ne paraissent pas susceptibles d’emprunter aux phosphates naturels de grandes quantités d’acide phosphorique ; ce n’est qu’à la longue et graduellement que ce dernier arrive à être absorbé par les racines.

Il faudrait cependant se garder de renoncer pour ces terres, qui forment la plus grande étendue de nos terres arables, à l’emploi des phosphates naturels qui sont si abondans et d’un prix si minime. On peut les solubiliser, pour ainsi dire sans frais, en mettant à profit leur aptitude à se combiner aux matières organiques, aptitude dont nous avons parlé plus haut. À cet effet, on les introduit dans les fumiers. Après quelques mois, une notable quantité d’acide phosphorique est déjà passée en combinaison et peut dès lors être regardée comme ayant une valeur réelle pour l’alimentation des plantes. Le moyen le plus simple d’introduire ces phosphates dans le fumier, c’est d’en jeter tous les jours à l’étable sous les pieds des animaux, 2 à 3 kilogrammes par cheval, vache ou bœuf, 500 grammes par mouton. Par le piétinement des animaux, le phosphate est incorporé à la litière et se retrouve alors disséminé dans la masse du fumier, où le contact prolongé de la matière humique en opère la solubilisation.

Cette pratique est recommandable au plus haut degré, elle n’entraîne pas de frais de main-d’œuvre ; un sac de phosphate est placé dans l’étable ; tous les jours, à l’aide d’une mesure, ceux qui ont soin des animaux répandent sur la litière la quantité voulue. C’est une opération qui ne demande que quelques minutes, même pour une étable bien garnie. On peut donc regarder les frais de main-d’œuvre comme absolument insignifians.

Il est également à conseiller de faire entrer les phosphates na-