Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/889

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ses dernières maisons vers l’est sont installées sur le sable. Elle jouit, au point de vue sanitaire, d’une assez triste réputation. Brûlée l’été par le soleil, gelée l’hiver par le froid, elle est en outre assise, sur un sol bas et humide, au niveau du fleuve. Toute cette rive orientale de l’Amou est d’ailleurs peu saine. Elle jouit, l’été, d’une chaleur sèche, de la température de la steppe qui l’environne. Il y a des jours étouffans, où la chaleur est lourde et accablante, où le ciel garde toute la journée une blancheur indécise d’aube, et le vent est chaud et violent. Ce jour-là, on sent, dès le matin, comme un malaise vous saisir, une fatigue vous abattre. L’horizon s’estompe dans une brume sableuse et les arbres apparaissent dans une teinte floue comme irréels. Le soleil, qui a gardé une couleur pâle toute la journée, disparaît dans la brume de sable vers quatre heures sans que la chaleur diminue ni que l’air devienne moins épais. Vous marchez comme dans un brouillard chaud et lourd ; tout, autour de vous, prend une couleur triste, sombre, tout se dessine vaguement comme dans un rêve.

C’est que le sable est proche, ce sable mouvant du Kizil-Koum, sable sans eau et sans végétation, et les vents le poussent vers cette étroite zone de culture où est assis Pétro-Alexandrof.

Je vais saluer le général Rasgonof, gouverneur militaire de la province. Il me remet fort aimablement les passeports nécessaires pour mon voyage.

Visite à l’hôpital, dont l’aimable docteur Avdakouchine me fait les honneurs. Il y a un hôpital militaire et un hôpital civil où les indigènes viennent se faire soigner. Visite de la station séricicole que dirige ce même docteur. L’administration russe crée avec des moyens relativement restreints une grande œuvre. Elle a voulu régénérer la sériciculture en Asie centrale, industrie qui dépérissait chaque année de plus en plus par suite des maladies qui, de même qu’en Europe, attaquaient le ver à soie. Il fallait produire de la graine cellulaire, système Pasteur, empêcher les indigènes de détruire leurs mûriers ou de les négliger. La station séricicole fut commencée en 1888 et installée pour l’élevage de vers provenant de 11 zolotniks (46,992 grammes) de graines. Les graines cellulaires furent expédiées de Tachkend, de la chancellerie du général-gouverneur du Turkestan, et le produit annuel en graines vérifiées est distribué gratuitement aux indigènes, tant aux Khiviens qu’à ceux du territoire russe.


II. — DE PÉTRO-ALEXANDROF A KHIVA.

Le moyen le plus rapide pour atteindre Khiva de Pétro-Alexandrof est de traverser le fleuve et de prendre sur la rive khivienne,