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Nous sommes ici en territoire uzbeg. En continuant notre route le pays devient de plus en plus cultivé. Nous approchons du bourg de Choura-Khan.

C’est avant d’arriver à Choura-Khan que je fus témoin d’un travail fort intéressant.

Les habitans de ce bourg trouvaient que leurs champs manquaient d’eau. Ils décidèrent d’un commun accord de reporter la tête de leur fossé en amont sur le fleuve afin de recevoir une plus grande quantité d’eau. Et ils se sont tous mis à faire ce travail ; creusant un fossé de 2m,50 de plafond sur 3m,50 de profondeur.

On atteint le gros bourg de Choura-Khan, qui a un bazar important, puis, traversant tantôt les champs, tantôt les collines sablonneuses, on atteint Pétro-Alexandrof.


I. — PÉTRO-ALEXANDROF.

Capitale militaire et administrative de la division de l’Amou-Daria, elle observe en outre le territoire du khanat de Khiva et dépend du gouvernement général du Turkestan. Fondée après l’expédition militaire de 1873, elle fut reliée à l’empire par une route de mille verstes sur Kazalinsk, poste relié lui-même à Orenbourg. Aujourd’hui la création du chemin de fer transcaspien a rapproché cette ville ou plutôt ce poste militaire de la Russie et du monde civilisé. Quoique fondée depuis près de vingt ans, elle n’a point cependant pris un grand développement et n’en aura sans doute jamais. C’est une ville de fonctionnaires et de soldats, n’ayant aucun commerce, aucune industrie spéciale.

Elle se compose de grandes rues bordées d’arbres et de doubles rangées de fossés d’irrigation. Aussi les maisons disparaissent-elles au milieu de la verdure des arbres et des jardins. L’église forme le centre de la ville. Elle s’élève sur une grande place nue où des bataillons pourraient au besoin manœuvrer à l’aise. La population sédentaire, en dehors des fonctionnaires et des officiers, comprend quelques Cosaques de l’Oural exilés dans ce pays et des soldats libérés du service militaire et s’étant fixés en Asie pour jouir des avantages pécuniaires que le gouvernement leur accordait. Leurs femmes, qui sont venues avec eux en ce pays, travaillent comme ouvrières. Ces familles ont, comme en Russie, de nombreux enfans, et c’est une chose curieuse, une anomalie de tons, une dissonance de couleurs, que de voir, au milieu d’enfans indigènes au teint bronzé, des gamins russes aux cheveux blonds s’amusant ensemble dans la rue poussiéreuse.

La ville de Pétro-Alexandrof est située à deux verstes du fleuve