Qui ne fait châteaux en Espagne ?
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Chacun songe en veillant; il n’est rien de plus doux.
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes.
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Cependant, résistons, s’il se peut, à l’hypnotisme d’analogies,
peut-être décevantes. L’Angleterre est-elle donc isolée du monde ?
La Manche constitue-t-elle un obstacle comparable, par ses effets,
au désert de l’isthme égyptien ou aux sommets inaccessibles des
Alpes ? Dès aujourd’hui, la communication existe, fréquente,
assidue, entre les deux rives du détroit. Dieppe, Boulogne, Calais,
ne vivent guère que de leurs relations avec Newhaven, Folkstone
et Douvres. 600,000 voyageurs et 25,000 tonnes de marchandises,
représentant 800 millions de francs, ont traversé le détroit l’an
dernier, dans un sens ou dans l’autre. Ce n’est pas là de l’isolement. Les descendans des Bretons ne sont plus, comme leurs
pères, séparés du reste de l’univers. On s’en aperçoit chaque jour.
Tunnel ou pont n’ouvriront pas la porte à une expansion qui existe
déjà. Le voyageur leur devra peut-être la commodité de franchir
en six heures au lieu de sept heures et demie, et sans quitter le
coin de son compartiment, la distance qui sépare Charing-Cross de
la gare du Nord. Il y trouvera quelque agrément, peut-être aussi
quelque avantage si sa dépense n’en est pas sensiblement augmentée. Les colis postaux, les quelques marchandises qui vont actuellement en grande vitesse d’un pays à l’autre, préféreront peut-
être aussi la nouvelle voie.
Peut-on croire qu’il en sera de même du grand commerce, du véritable mouvement des échanges ? Va- t-il se détourner de Londres, de Liverpool, de Bristol, de Hull, de Newcastle, de Glascow, de tous ces ports si nombreux des côtes britanniques où, en quelque sorte sous sa main, il trouve, pour ses transports, des navires dont les frets sont peut-être dix fois moindres que les prix des chemins de fer ? Va-t-il, méprisant cet inappréciable avantage, renoncer à la navigation pour faire sur rails, en Angleterre, à travers le détroit et sur le continent, de longs parcours, forcément plus onéreux ? Ce n’est pas à prévoir. Il y a tout lieu de penser que l’axe d’intensité des affaires commerciales ne sera pas déplacé par les créations projetées : qu’il y ait ou non tunnel ou pont, c’est toujours par mer que Londres et Liverpool, ces grands entrepôts du monde, continueront à faire voyager leurs innombrables marchandises.
Il faut aussi s’attendre à ce que les services de navigation du détroit luttent pour conserver leur clientèle. L’heure venue, ils peuvent recourir au moyen radical, abaisser leurs prix, et on peut croire que, lorsqu’il le faudra, ils n’y manqueront pas. Sur ce terrain.