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une institution hybride qui, devant être à la fois un conseil de gouvernement et une seconde chambre, risquait de n’être en réalité ni l’un ni l’autre. Le législateur de 1848 n’en eut pas moins ce mérite assez rare de savoir ce qu’il voulait. Ayant conçu un plan, il le réalisa. Ayant reconnu que la participation législative du conseil était salutaire, il édicta les mesures indispensables pour que cette participation, cessant d’être un leurre, devînt une réalité. Ces mesures étaient raisonnables ; elles marquent à peu près la limite que, sous le régime parlementaire, la fonction législative du conseil d’État peut atteindre, mais ne peut ni ne doit dépasser. Aujourd’hui nous voyons se produire dans le public et au sein même des chambres un courant d’opinion de plus en plus marqué en faveur de sa collaboration à l’œuvre du législateur. Si réellement on veut cette collaboration régulière, effective, il ne suffit pas de l’appeler par des vœux platoniques ; il faut la rendre obligatoire pour les lois où elle serait le plus utile ; il faut, je ne dis pas remettre en vigueur l’article 1er du statut de 1849, mais s’en inspirer tout au moins, en insérant, dans la loi que nous attendons, une prescription nettement impérative.


VI

Un décret placardé, le matin du 2 décembre 1851, sur les murs de Paris avait dissous, en même temps que l’assemblée nationale, le conseil d’Etat. Une commission consultative, présidée par M. Baroche, le remplaçait à titre provisoire. Bientôt, en effet, la constitution du 14 janvier 1852 allait créer un nouveau conseil. Je l’aurai caractérisé en disant que, là comme ailleurs, on restaurait l’empire.

Dans la proclamation aux Français, qui formait le préambule et l’exposé des motifs de la constitution, le prince-président l’avait défini une « réunion d’hommes pratiques élaborant des projets de loi dans des commissions spéciales, les discutant à huis-clos, sans ostentation oratoire, en assemblée générale, et les présentant ensuite à l’acceptation du corps législatif… » Si vous rapprochez de ce passage l’article premier du décret qui fut promulgué, quelques jours après, le 25 janvier, article qui débute ainsi : « Le conseil d’État, sous la direction du président de la république, rédige les projets de loi… » vous constatez que le législateur de 1852, comme son devancier de 1849, entendait faire de la préparation des actes législatifs l’attribut capital, presque la raison d’être de l’institution qu’il rétablissait sur les bases jetées en