Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/803

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les études. On « étudiait » depuis quinze ans lorsque la révolution de juillet éclata !


IV

La charte de 1830, tout comme la charte de 1814, était muette au sujet du conseil d’État. Allait-il continuer à vivre d’une existence précaire et contestée, sous le régime changeant des ordonnances, relégué dans l’ombre, et remis en question par chaque commission du budget ? Aussi bien plusieurs parmi les nouveaux gouvernans étaient-ils des adversaires de la veille : M. Dupont de l’Eure devenait garde des sceaux ; M. le duc de Broglie acceptait le portefeuille de l’instruction publique et des cultes. Mais M. de Broglie y avait mis cette condition, qu’il aurait la présidence du conseil d’État. Par où il le préservait des atteintes de M. Dupont de l’Eure, qui voulait le supprimer, et aurait eu, paraît-il, l’assentiment du roi Louis-Philippe : le roi « gardait rancune au conseil pour quelques procès qu’il y avait perdus[1]. » Contraste et ironie des choses, qui transformait l’auteur du fameux article de la Revue française en chef suprême et en défenseur attitré de cette même juridiction qu’il avait, deux années avant, si vivement battue en brèche !

Cependant, en 1830 comme en 1814, le conseil résista au cataclysme. Et j’imagine qu’il fut sauvé d’abord par l’homme sage entre tous qui fut alors l’arbitre de ses destinées, mais aussi par cette vertu secrète et, pour tout dire, par cette magie du pouvoir qui fait des novateurs de la veille les conservateurs du lendemain. Enfin il devait, aux yeux du grand nombre, trouver grâce par cette raison d’ordre inférieur, mais décisive, qu’il représentait des places à donner. Ces considérations sont toujours très puissantes ; elles ne le sont jamais autant qu’au lendemain des révolutions.

Mais, en gardant l’institution, il convenait d’y introduire les réformes que le parti libéral avait prônées avec une si louable ardeur. M. de Broglie chargea une commission d’études, sous la présidence de M. Benjamin Constant, du soin d’élaborer une loi organique. En même temps le ministre assurait le fonctionnement provisoire du conseil et en justifiait, par des argumens topiques, le maintien : « Il expédie à lui seul plus d’affaires que la cour de cassation et la cour royale de Paris tout ensemble… Les comités économisent par leur travail une division dans chaque

  1. Souvenirs du feu duc de Broglie, t. III.