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litiges où les communes, les départemens et l’État lui-même sont en cause. Une commission de la chambre a procédé à l’examen de ces deux systèmes opposés, et elle s’est arrêtée à une combinaison mixte, que suggérait son rapporteur, M. Camille Krantz. Cette combinaison change le moins possible le régime existant et, pour le contentieux, procure une solution que je crois, à la rigueur, suffisante. Mais, quant à la fonction législative du conseil, elle ne règle rien ; elle maintient sans l’améliorer le déplorable statu quo, et, sur ce point, je doute qu’elle satisfasse au vœu déclaré de l’opinion.

En effet, dans le public, dans la presse, dans le parlement lui-même, on répète, et certes assez haut, que nos lois sont mal faites, semées de disparates, livrées au caprice des votes irréfléchis ou au hasard des amendemens improvisés. Il faudrait qu’une assemblée de légistes pût rédiger les textes de nos grandes lois, surtout les réviser avant l’adoption finale. Or, cette assemblée, nous l’avons ; pourquoi nous priver de son concours ? On demande que le conseil d’État, puisqu’aussi bien il est investi de l’attribution législative, soit appelé désormais à l’exercer d’une façon régulière, et non plus, comme aujourd’hui, d’une façon accidentelle et en vérité presque platonique.

D’autre part, on est effrayé des interminables délais que subissent les affaires devant ce même conseil statuant au contentieux. On cite des requêtes qui n’ont été jugées qu’après quatre ans, parfois cinq ans d’attente. Situation désastreuse pour les justiciables et même pour l’administration. Il est urgent d’y mettre fin ; il n’est plus permis de différer.

On avait bien tenté de remédier au mal par la loi du 26 octobre 1888. Cette loi d’expédient autorisait le garde des sceaux à créer une section de renfort, mais à titre temporaire. On la formait d’élémens empruntés aux diverses fractions du conseil. La section temporaire a siégé jusqu’en juin 1890, et vient d’être rétablie pour une période nouvelle. Malheureusement, sa compétence a été limitée aux seules affaires d’élections, de contributions directes et de taxes assimilées. Ce n’est qu’un palliatif ; il faut trouver le remède. La question mérite l’attention des esprits éclairés, qui estiment que rien n’est indifférent dans l’organisation de la justice. Il s’agit, au fait, d’une juridiction qui prononce, chaque année, sur deux mille pourvois en moyenne ; qui est à la fois une cour de cassation, placée même au-dessus de la cour des comptes, dont les arrêts lui peuvent être déférés, et une cour d’appel unique pour les conseils de préfecture et les conseils des colonies, c’est-à-dire pour une centaine de tribunaux. Et cette juridiction, armée du pouvoir redoutable d’annuler, par sa censure souveraine, les décisions