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lui a infligé, en quelques jours, une correction sévère. La France est depuis quelques mois déjà à Kotonou, avec des forces laborieusement réunies sous le commandement du colonel Oodds, insuffisantes encore, et quelques navires qui bloquent la côte. Voilà le fait, voilà la situation !

Que la chambre, qui a déjà voté, il y a trois mois, 3 millions pour l’expédition du Dahomey, ait tenu, avant de se séparer, à demander compte au gouvernement de ce qu’il a fait, de ses intentions, de sa politique dans le golfe de Bénin, c’est certainement son droit ; mais il est bien clair que la chambre complique tout et tombe dans une véritable anarchie en intervenant dans les moindres détails de préparation et d’exécution d’une campagne, en enchaînant d’avance la liberté du gouvernement, en traitant à la légère les questions les plus délicates de commandement. C’est précisément ce qui est arrivé l’autre jour. Ce malheureux ministre de la marine, M. Godefroy Cavaignac, a été réellement mis en état de siège par ses agresseurs, M. Pourquery de Bois-serin, M. Clemenceau, qui, sous prétexte de créer l’unité de commandement au Dahomey, ont prétendu lui imposer une mesure des plus graves, celle de placer nos forces navales, nos navires sous les ordres du chef chargé de conduire les opérations de terre. M. le ministre de la marine, et il était lui aussi dans son droit, comme il était dans la vérité, s’est défendu de subir l’obligation qu’on prétendait lui imposer. Il a refusé nettement, péremptoirement, de se prêter « à la confusion d’attributions qu’on lui demandait. » C’est, en effet, la plus périlleuse témérité de confondre des services si différens, de les subordonner l’un à l’autre. M. le ministre de la marine Cavaignac a peut-être mis dans sa défense quelque raideur, un peu de gaucherie ou de naïveté, et il l’a expié sur l’heure, il s’est heurté contre un vote de susceptibilité ou d’irréflexion parlementaire. Il n’avait pas moins raison : c’est lui qui dans ce débat défendait un principe tutélaire, un droit supérieur de gouvernement, et s’il a disparu seul, si le ministère tout entier n’est pas tombé avec lui, c’est parce que dès le lendemain on s’est hâté de se soumettre au vote de la chambre, — pour éviter, a-t-on dit, une crise ministérielle à la veille des vacances et des élections des conseils-généraux. La chambre l’a voulu, on a tout livré ; on a évité une crise ministérielle !

Soit ; mais c’est avec ce système que depuis longtemps on compromet tout ; c’est avec cette politique qu’on a fait perdre un jour à la France la position qu’elle avait en Égypte, qu’on s’est créé d’inextricables embarras au Tonkin. Sait-on ce qui en résulte ? La chambre déploie son omnipotence, elle se satisfait pour un moment. Elle n’est pas plus avancée, elle est réduite à se débattre dans son incompétence. Le gouvernement, de son côté, toujours menacé, ne sait le plus souvent que faire. Il hésite toutes les fois qu’il a une initiative à prendre, une