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matin quand la convention se sépare et les rumeurs de la foule épandue dans les rues apprennent aux citoyens de Chicago la nouvelle que le télégraphe, assiégé par les reporters, porte à tous les journaux et jusque dans les coins les plus reculés de l’Union.

Dans l’après-midi, la convention se réunissait de nouveau pour procéder à l’élection du candidat du parti démocratique à la vice-présidence. Les votes se répartissaient sur plusieurs noms dont aucun ne réunissait la majorité absolue. Le général Stevenson, de l’Illinois, tenait la tête, quand, avant la clôture du scrutin, plusieurs États changèrent leurs votes, reportant leurs suffrages sur Stevenson, nommé à l’unanimité.


III

Une fois de plus les circonstances politiques mettent face à face Harrison et Cleveland. En novembre 1892, comme en novembre 1888, les deux adversaires vont, de nouveau, se disputer la première magistrature des États-Unis. Vainqueur, en 1884, de Blaine, vaincu, en 1888, par Harrison appuyé sur Blaine, Grover Cleveland l’emportera-t-il en 1892 et ramènera-t-il, avec lui, le parti démocratique au pouvoir ? En le choisissant, les démocrates ont nettement posé la question entre eux et leurs adversaires ; ils ont choisi l’homme d’État, intègre et prévoyant, qui, dans son message présidentiel du 6 décembre 1887, a, le premier, signalé à l’attention publique les dangers du régime protectionniste à outrance adopté au lendemain de la guerre de sécession, alors qu’appauvrie d’hommes et d’argent, la république meurtrie s’était repliée sur elle-même, hérissant ses frontières de tarifs douaniers exorbitans.

A ce régime protectionniste, les États-Unis devaient, dans une grande mesure, le relèvement de leur crédit et le remboursement du papier-monnaie, l’extension de leur industrie et la création de nombreuses manufactures, le développement de leurs voies ferrées et d’énormes excédons de recettes. Ils lui devaient aussi un danger nouveau : un trésor engorgé, dont le débit, calculé avec une sage prévoyance, ne suffisait plus à l’écoulement de ce Pactole débordant ; l’accumulation d’énormes capitaux dans un petit nombre de mains ; d’immenses fortunes, conséquence de la grande industrie et de la grande propriété, contrastant avec l’appauvrissement des classes laborieuses, non plus réparties dans les fermes et cultivant leurs champs, mais embrigadées et disciplinées, vivant au jour le jour d’un salaire élevé, mais précaire, accessibles désormais à toutes les sollicitations de la misère, de la haine et de