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aussi tout un ensemble de mesures que l’initiative privée est prête à prendre et dont on attend les plus grands bienfaits. Voyons en quoi elles consistent.

D’innombrables sociétés s’étant partout formées avec la mission de discuter et de défendre les intérêts de ceux qui en font partie, ce ne serait qu’un jeu d’en créer une nouvelle. On lui confierait le soin de protéger l’indigène contre l’affluence, dangereuse parce qu’elle est illimitée, de la main-d’œuvre étrangère. Au surplus, les élémens d’une association semblable existent déjà. On les trouverait, — épars et disséminés, cela est vrai, mais disposés à se rallier sur un signe, — au sein des trades-unions des métiers. Il n’y aurait qu’à leur donner l’organisation et la cohésion qui leur manquent pour les mettre à même de résister victorieusement à l’ennemi. Dans une étude qu’il publiait récemment à la National Review, M. W.-H. Wilkins a révélé qu’on a déjà, en différens conciliabules, jeté les bases de la fédération dont il s’agit. Le siège en serait fixé à Londres et des agences rayonneraient dans tout le pays, pénétreraient, s’il était nécessaire, jusqu’aux plus humbles bourgades. De cette union vraiment nationale, on écarterait scrupuleusement la politique, les controverses religieuses, tout ce qui aigrit les hommes et les divise. Le comité auquel seraient dévolus les pouvoirs de l’entreprise se composerait principalement de représentans des classes laborieuses. Auprès de ceux-ci, comme pour égaliser les situations et apporter aux travailleurs l’appui de la fortune et du rang, viendraient s’asseoir, côte à côte, des membres de la chambre des lords et des députés, et aussi les hommes éminens qui, dans la presse ou ailleurs, ont déjà traité la question. Peu à peu, l’opinion déjà si fort alarmée s’intéresserait à la solution du problème, réussirait, comme d’habitude, à imposer sa volonté. On ne se bornerait pas à convoquer des meetings et à faire de la propagande à l’intérieur. Des journaux spéciaux, de courts pamphlets bourrés de chiffres et de renseignemens convaincans, iraient informer l’Europe de l’état du marché anglais, donner aux feuilles russes, roumaines, hongroises, italiennes, de salutaires avertissemens. Ainsi, contre une émigration vouée d’avance à l’insuccès, les peuples seraient mis en garde qui dirigent sur l’Angleterre leurs masses errantes et besogneuses. Et quant aux aventuriers qui braveraient, en dépit de tout, la destinée, avec l’espoir bientôt déçu qu’elle se montrerait peut-être clémente, le trésor de la compagnie aiderait à les reconduire vers les rives qu’ils auraient quittées. Ils rentreraient au village aussi pauvres qu’auparavant. Qui sait si le charme du sol natal ne triompherait pas des appréhensions et des amertumes du retour ?