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les parties basses de l’œuvre ; obligation d’admettre que le Panthéon est une construction qui ne remonte ni à la république, ni à Agrippa, mais qui appartient à Adrien ; et par suite, nécessité de reconnaître que ce n’est pas le portique qui a été ajouté à la rotonde, mais bien la rotonde qui a été accolée au portique.

Ce sont là des résultats importans. Évidemment la lumière jetée par ces faits nouveaux sur l’histoire et sur la technique de l’architecture est grande. Les théories les mieux fondées en raison en souffrent quelque dommage. Il ne resterait plus de l’œuvre d’Agrippa que le vestibule et son fronton. Mais à côté de l’inscription gravée par le fondateur, il y en a une autre, celle de Septime-Sévère et de son fils. Comment comprendre celle-ci ? Quelle sorte de restauration fut exécutée par les deux empereurs pouvant rappeler le premier édifice ? Sur ce sujet, un vaste champ est ouvert aux conjectures et M. Chedanne pourrait s’y aventurer.

Mais la nature de son travail lui impose une réserve extrême, et il ne paraît pas disposé à s’en départir. Il ne veut rien avancer que sur preuves formelles ; c’est ainsi que doit être conduite une restauration. Rechercher dans un monument les témoignages de son état passé, et après avoir reconnu ce qu’il en reste à la surface du sol, fouiller ses substructions, retrouver en terre quelque pan de muraille, ou la place d’une colonne, utiliser des fragmens en les remettant au lieu qu’ils devaient logiquement occuper, en résumé, partir de l’état actuel pour remonter de fait en fait à l’état ancien, tel est l’ordre que doit suivre notre architecte dans l’œuvre qu’il poursuit. Il y apporte l’intelligence et l’amour de son art, la connaissance de toutes les parties que l’architecture embrasse. Son esprit est pénétrant et réservé ; il a les qualités qui inspirent la confiance et la sympathie.

Ces sentimens, il les a rencontrés à Rome de la part des artistes italiens, et chez les hommes qui sont placés à la tête des grands services de l’État. Le ministre de l’instruction publique, qui était alors M. Villari, le sous-secrétaire du même département, M. le comte Pullè, les deux directions des arts dans la personne de leurs chefs éminens, M. Barnabèi et M. Buongiovannini, n’ont pas ménagé au jeune artiste les marques d’intérêt. Comprenant aussitôt la valeur et la conséquence de pareils travaux pour l’art, pour l’histoire et pour l’archéologie, le ministère a pris une part effective à l’œuvre commencée : il en a assumé les frais. Sans doute le même concours lui sera prêté par l’administration éclairée de M. Martini. De la sorte, le fruit des découvertes est mis en commun et le profit en est pour la science. De tels faits honorent hautement un pays et excitent en nous une vive gratitude. Ils portent nos pensées dans une sphère meilleure où toute division s’efface