Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/575

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bâtie ou ornée de marbres précieux, de métaux, de porphyre. Par ses dispositions générales et par son décor, le Panthéon a exercé la plus grande influence sur l’architecture moderne. On voit que depuis le commencement du XVe siècle les architectes s’en sont inspirés ; mais on peut dire que la coupole même, considérée comme type, n’a pris toute sa valeur et développé extérieurement sa beauté que depuis que les artistes l’ont élevée sur le corps d’un édifice. A Rome, à partir de la construction de Saint-Pierre, elle a servi de modèle aux dômes nombreux qui marquent dans la silhouette de la ville. Enfin, c’est de l’assemblage des matériaux richement colorés qui décorent la Rotonde, qu’est venu le goût de somptueuse polychromie lapidaire qui règne dans les églises d’Italie depuis la Renaissance.

À partir de cette époque, le Panthéon devient donc un objet d’étude pour les plus grands artistes. On sait assez ce que Bramante en a tiré. Raphaël, surintendant des édifices de Rome, l’aimait et sans doute était frappé de son aspect mystérieux et presque funéraire puisqu’il voulut y avoir son tombeau. Il avait conçu le projet de rétablir les monumens antiques et il avait fait, à ce sujet, un programme magnifique. Nul doute que le Panthéon ne fût compris dans ses prévisions. Il en a laissé deux dessins que M. le baron de Geymüller nous a fait connaître et qui ont le caractère d’une restauration. Alors, tout au moins, la façade devait être en assez mauvais état ; car on sait que depuis un temps indéterminé jusqu’au XVIe siècle, il manquait trois colonnes à l’angle oriental du portique. Celui-ci fut encore compromis davantage quand Urbain VIII le dépouilla des bronzes que les barbares et après eux l’empereur Constant y avaient laissés. Et je n’ai pas à rappeler ce que dit Pasquin de cet acte de vandalisme.

Ce fut Alexandre VII qui compléta le vestibule. Il avait pour la Rotonde une admiration très vive. Mais s’il fut bien inspiré dans sa prédilection pour elle, tant qu’il s’agit d’en déblayer les abords et d’en remettre la colonnade en état, il parut moins heureux quand il fit étudier un projet pour orner la coupole et pour vitrer l’ouverture qui est à son sommet. En réalité, la Renaissance, si éprise des anciens, prenait avec eux de grandes libertés. Nous passons pour ne pas exagérer le respect. Cependant, avec notre fidélité à l’histoire et nos scrupules quand nous devons toucher aux œuvres du passé, nous nous étonnons de voir comment les restes les plus vénérables de l’antiquité étaient diminués et compromis par ceux-là mêmes qui professaient pour eux une sorte de culte. Chacun, à sa manière, y a laissé sa trace. En ce genre, aucun dommage n’est comparable à celui qui fut porté au Panthéon par Benoît XIV. Son architecte, Paul Posi, refit à sa manière la décoration de l’attique,