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sol. Mais en consultant à cet endroit les plans dressés par Canina, on voit combien le terrain avait été rapidement occupé, combien il avait attiré l’attention des empereurs, tous désireux de bâtir. Sans être astreint à regarder comme définitivement fixé le périmètre d’édifices dont l’existence est incontestée, mais qui nous sont présentés dans les conditions d’une symétrie trop absolue, on peut imaginer quel ensemble de constructions grandioses ce lieu réunissait au commencement du IIIe siècle. Devant le Panthéon s’étendait une place entourée de trois côtés d’un portique. Au milieu, là où devait s’élever plus tard l’arc vulgairement appelé de la Pitié, le spectateur pouvait s’arrêter ayant en face de lui le monument lui-même avec sa masse caractéristique, les bronzes étincelans de sa couverture et les escaliers sur lesquels il s’élevait. A la droite du visiteur et bordant la place, les thermes de Néron et d’Alexandre-Sévère, entourés et ombragés d’un bois épais. A sa gauche, les thermes d’Adrien ; et, de tous côtés, sur ses pas, des temples, des basiliques, des gymnases et diverses enceintes parmi des plantations d’arbres et des fontaines. Ce quartier était bas et naturellement se prêtait à recevoir les eaux. Elles y venaient de toutes parts. Agrippa, au moyen de travaux considérables, les y avait amenées et leur avait ménagé des issues. Elles s’écoulaient et on n’en avait que le bienfait sanitaire, le spectacle fuyant, et la fraîcheur.

Chaque règne avait donc ajouté aux embellissemens commencés sous Auguste, et il s’était formé autour du Panthéon une ville monumentale. L’aspect qu’elle présentait dans son ensemble devait contraster avec le reste de la cité. Tandis que le principe de l’architecture grecque prévalait au Forum, le système du plein cintre et de la voûte l’emportait alors au Champ de Mars. La coupole y faisait songer à l’Asie. Les dispositions architectoniques, appropriées à des usages empruntés à l’orient, transformaient cette région, qui devait rappeler Séleucie, Antioche, Alexandrie, les métropoles de la Syrie, de la Mésopotamie, de l’Egypte.

De loin nous pouvons suivre le Panthéon à travers l’histoire. Parfois il semble oublié, anéanti peut-être ? Puis il apparaît de nouveau intact et surtout admiré. En effet, il a toujours été regardé comme une merveille. Sous Antonin le Pieux, il était cité parmi les plus beaux édifices ; et, en cela, l’opinion n’a jamais changé. Mais sa conservation n’est pas ce qu’il offre de moins étonnant. Les monumens de toute sorte dont il était environné ont disparu ; et lui, malgré l’effort des élémens et les outrages qu’il a subis de la part des barbares aussi bien que de ses admirateurs, il est encore debout. Il a perdu ses ornemens de métal et son revêtement de stuc, et, à plusieurs reprises, il a fallu le débarrasser des constructions parasites qui le défiguraient. Et, cependant, tout en portant la trace de