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procès, afin d’avoir la possibilité de se justifier. Sans amis, il errait tristement dans cette Rome, où il avait été si fêté jadis et où toutes les portes se fermaient devant lui. On le vit alors, nous dit M. Ricard, « prendre des habitudes dévotieuses qui avaient toujours un peu manqué à sa façon de comprendre et de pratiquer la foi. » — Il était si déprimé qu’il n’essaya pas même de profiter du retour de Napoléon pour rentrer en France. Quand cette nouvelle arriva à Rome, Fesch partit aussitôt pour Paris. Maury aurait pu l’accompagner. Il n’osa pas. Il demanda au pape ce qu’il devait faire, on ne lui répondit pas. Cependant le pape, inquiet, partait pour Gènes, laissant le soin de gouverner les États de l’Église à une junte que présidait le cardinal de La Somaglia. Ce prélat était un de ceux qui avaient refusé d’assister au mariage de Napoléon avec Marie-Louise, estimant que le premier mariage n’était pas rompu. L’empereur pour les punir les avait dépouillés de leurs biens et exilés dans des villes de province, où ils vécurent trois ans sous la surveillance de la police, sans pouvoir porter la soutane rouge. Autant Pie VII, qui, même après Savone et Fontainebleau, gardait un reste d’affection pour l’empereur, était disposé à l’indulgence, autant La Somaglia, dans sa haine pour tout ce qui touchait à l’empire, inclinait à la rigueur. Le 12 mai, Maury fut conduit au château Saint-Ange. On l’enferma dans la cellule jadis occupée par Cagliostro. Il resta sous les verrous pendant trois mois et demi et il y serait resté plus longtemps encore, si le cardinal Consalvi, revenant du congrès de Vienne, n’eût pris en pitié son ancien ami tombé gravement malade et n’eût obtenu du pape une mesure de clémence. Maury fut d’abord autorisé à demeurer au couvent de Saint-Silvestre. Au printemps suivant, Pie Vil donna l’ordre d’abandonner le procès ouvert contre lui. Maury, pour marquer sa soumission, offrit spontanément de se démettre de sa qualité d’évêque de Montefiascone. Le pape fut touché. Il reçut amicalement le cardinal et lui permit de retourner chez lui. La santé du prélat était malheureusement trop gravement atteinte pour qu’il pût profiter longtemps de la clémence du souverain pontife.

Quelques mois auparavant, il avait cherché aussi à se réconcilier avec Louis XVIII. Il saisit pour cette tentative une occasion semblable à celle qu’il avait prise autrefois pour entrer en rapports avec Bonaparte : la lettre de félicitation que les cardinaux adressent aux souverains pour le renouvellement de l’année. M. Ricard a publié le texte de la lettre que Maury écrivit au roi de France pour le 1er janvier 1816. Elle est pénible à lire, attristante. Le vieux cardinal célèbre en termes pompeux les bienfaits de la Restauration, la charte